XII
Tu t'émeus de trouver l'expression parfaite dans un poème de ce qui est parfaitement oublié ou oubliable. Comme devant la heaulmière de Villon, tu trembles devant l'oiseau de feuilles qu'hier tu évoquais. Nous n'insisterons jamais assez sur le rôle étincelant de l'oubli.
XIII
Il a fallut qu'une correspondante inconnue me redise, aprés l'avoir lu dans un de mes livres : " Je suis celle qui pleurerait de n'avoir pas de coeur." Au loin, une autre m'écrivait : " La vie est un esprit." Fais attention ton coeur est la misère de tes yeux.
N'aime que ce qui te distrait.
Le bleu de l'été est menaçant comme l'orage sur un bois de couleur tourterelle où les pigeons meurent de toucher le sol. Hier, je suis sorti, un autre homme est rentré.
J'avais dit qu'il pleuvrait sur les toits de la passion; et je voyais la pluie sur le corps blanc d'un Christ dressé au carrefour.
XIV
Fais de ta solitude un monde d'amour.
XV
Le monde de mes désirs a pris la place de mon désir. J'habite la terre des rapports hasardeux, fragiles et profonds comme la musique; ma voix en est l'ombre et ma parole le souvenir. J'habite avec ma vie un monde sans lien avec la vie et dont la dissolution abolirait jusqu'au souvenir de mon existence. Je suis la mort de quelqu'un que je ne suis plus.