Pose 1_ "Sur ta main j'aurais glissé une larme. Tu te serais penché pour la boire, mélancolique. Le trajet de l'eau sur ta peau aurait provoqué un regard chargé de désir, une intention voilée par la retenue. Je sais imaginer tes gestes. Je devine tes mots. Tu te tais toujours beaucoup lorsque nous sommes l'un prés de l'autre. J'irais bien parfois respirer cette odeur de parfum sur la peau de ton cou. Laissant traîner mes lèvres plus que de raison... Seulement je te préfères aussi lointain que je le suis, aussi inaccessible, aussi parfaitement intouchable que l'est pour un être de chair la statue de marbre. " Pose 2_" Garder une goutte d'eau prisonnière de ses cils. Imaginer le trajet qui la mènerait de ton poignet jusqu'au dessus de ta main. La regarder plonger dans le creux de l'os. Avoir envie de se pencher pour la boire. Penser intensément à l'invitation qui tarde à se former sur tes lèvres. Puis penser à autre chose. " Pose 3_"Regarder l'arc de tes sourcils. Ils sont fournis. Penser à tout ce qui s'affronte derrière cette apparence plissée; peau du visage contre l'os du front. Apprendre à déjouer les pièges de cet arc. Ne pas commencer à rêver alors que le pli est à peine formé. Retourner à ses pensées personnelles pour ne pas déranger. Puis se dire en souriant à demi que le moindre mouvement de ton visage déclenche des cascades de réflexions . Ne pas chercher à comprendre et résister." Pose 4 Longtemps me perdre dans ton regard. Aller chercher du sens et des éclats dans les plissements de ton oeil. Inventer ce langage en te regardant. Une ode à la fascination, une ode au plaisir fasciné par ce regard de Méduse. Comme souvent s'absorber dans la contemplation des étoiles apporte la paix; l'apaisement ancestral de ne se savoir rien auprès d'un millénaire de sédimentations, d'explosions et de créations géologiques inscrit ceux qui ont refusés de s'affilier à la lignée humaine dans l'invention d'une affiliation minérale. Pierres et minéraux, facettes à multiples reflets. Angles tranchants, arrêtes, satin de surfaces policées, ambre parfumée, terre friable. Te retrouver sous la voûte glacée. 1_Courbures parcourues de frissons, voilure gonflée par le temps, sensible, habité, où l'on insuffle des chaleurs et que l'on abandonne au froid de l'air pour en faire durcir la surface. 2_Peau nouvelle comme tambours anciens, tendue prête à tout rompre, une caresse te fait murmurer, une autre emplit ton ventre d'un champ de souffles. La résonance d'un gouffre. Le mouvement de l'air. Peau tendue posée sur la surface de l'existence, paravent sous la forme des voiles lourds frotte au sol, la boue. 3_Parler, discuter. Stérilité du discours s'il ne bouleverse rien, ne renverse pas, n'invente pas. 4_Silence sous forme de diktat, de prescription, de retour à l'immémorial, de réinvestissement hors des chairs. Sont-elles brûlées, saignent-elles? Peu importe. Poser son corps dans un coin et lui demander de se taire. 5_Produire du silence, du vent, des chants d'absence. Produire de l'immatériel, du rien, du vide. Décider que la trame de l'air transparent est le fil d'Ariane. Celui qui vous guide dans l'ailleurs que vous choisissez d'inventer. Appeler ce caprice "exigence". 6_ Reparaître neuf, transfiguré, lavé. La boue se dissout dans l'eau, est emportée par le courant, erre parmi les cailloux, s'accroche aux berges. Les morceaux se détachent de votre peau. Un à un. 7_Décider qu'aucun mot ne vient interrompre votre discours. Vous êtes seul à mener la barque effrénée de votre discours aux astres. Plantez des pieux sur votre chemin surplombés de têtes coupées, ensanglantés. Et commencez à faire rouler le sens sur chaque syllabe, entre les virgules, en saisissant les poignets de chaque phrase; sur la trame du silence accompagné de mots déverser des années de solitude contemplative, méditative.