Le soir tombe. Est-ce bien le soir? La nuit? On ne sait plus tant l'obscurité ne nous a pas quittée de la journée : ce ciel si bas qui nous entoure de ses bras tombants et qui tente sournoisement de se frayer un chemin en nous depuis le matin! L'impression d'avoir eu la tête fermée à toute lumière depuis le réveil, étrange.
Plus de hauteur, de profondeur, l'essentiel de notre ailleurs refermé sur lui-même.
"Les sans ciel" privés de lumière, de cette hauteur qui fait oublier nos peaux de serpents. L'essentiel absent de nos esprits, parti, disparu, envolé. Comme s'il n'avait jamais été utile de préserver cet essentiel du monde alentour : les frissons de froids humides qui provoquent nausées, envie continuelle de vomir, peaux glacées au contact répugnant qui nous frôlent au petit jour quand décide de ne pas se lever, le jour; présents, si présents, tellement lourds.
Le soir tombe ou est-ce la nuit? Difficile question quand je nous le rappelle le jour ne s'est pas levé, a continué de ramper dans la pénombre grisâtre, a serpenté lamentablement entre les bosquets du jardin, s'est frayé un chemin jusqu'à nos fenêtres, a oublié de soulever les coins du rideau, s'est finalement déversé presque lâchement, honteusement sur les tapis de sol. C'est un jour qui vient de passer et qui s'éteint dans le silence et la pénombre retrouvés comme s'il ne s'était pas déroulé. Etrange.
Un autre oeil ouvert a sectionné le fil de ma pensée. Quel est-il? Celui qui nous maintient en éveil malgré l'incessant va et vient nauséeux. Je relirais bien la Nausée de Sartre mais je n'ai jamais su lire Sartre. J'ai toujours préferé Camus. Enfin je dis cela mais je les ai tout de même lus les livres de Sartre.
On dit c'est un nouveau jour mais c'est le même jour qui s'ouvre continuellement, le même matin à demi-éteint. On dit c'est un jour nouveau mais rien ne se lève, tout rampe et quémande la lumière nécessaire à l'esprit. On dit bien sûr on dit. Mais on peut tout dire ici. Rien ne demeure de ce qui est écrit même pas ce sentiment d'absence du jour. (Lonely soul, radiohead.)