Temps.
Mon ami le temps a toujours une longueur d'avance sur moi. Il court à travers bois et champs, se faufile entre les brins d'herbes, fait chanter les chevelures dénouées. Arbres, forêts, vallons, chemins, tous courbent l'échine, arrondissent le dos, présentent la nuque à cet ami qui vient au soir tombé délivrer leurs pensées du jour passé. Milles bêtises flottent encore dans l'air, des poussières éclairées par la lune. Grains de pollen oubliés, soupirs d'herbes bien aise.
Mon ami le temps m'a attrapée cent fois au détour d'un chemin quand je courais enfant en retard. Cent fois a promis la lune devant mes yeux ébahis. C'est qu'il file et qu'il est difficile pour un enfant de le suivre. Comme la lune penche quand on tente de l'atteindre le temps s'écoule à chaque désir de lui.
Mon ami le temps.
Un de ces jours finissant près d'un rosier aux épines tombées, je finirais bien par comprendre qu'il n'est autre que mon ombre après laquelle je cours depuis tant d'années.
Si j'écris avec la pointe d'un souvenir quelques notes auxquelles je donne la forme d'un poème... cela donne quelque chose comme
Mon ami le temps peint vingt roses
Sous la lumière rousse d'une brassée de secondes.
Au coeur d'un bouquet de minutes repliées
L'ombre d'un regard traverse
Nos pas perdus.
Vingt roses s'avancent.
Si lancinant le silence étale a volonté
Sa robe de velours pourpre.
Mon ami le temps
A mille ans
de partage
mais on ne sait plus
qui de nous ou lui
est le plus âgé.
Quand nos yeux fermés s'envolent pour l'éternité.
Il frôle nos paupières
D'un revers discret.
Mille ans le temps,
Mon ami a toujours vingt ans.
Comme vingt roses suspendues
aux années, mille ans...
( mille ans au secret des années passées...)