Vague tentative d'analyse du bordel ambiant, paresseuses idées, nonchalante envie de s'endormir
en écrivant des phrases longues.
Boire du thé jusqu'à l'aube en écrivant et en lisant n'importe quoi : un poème érotique, une
critique de cinéma d'un film que je n'irais jamais voir parce que je n'ai pas envie, des statuts de
n'importe qui, qui disent n'importe quoi.
_Rien ne me sépare de l'ennui pas même la nuit._
Des nouvelles d'ailleurs, une photo oubliée de toi, un cendrier désolé, un coeur plein, une fatigue
totale et irrémédiable, une inquiétude incessante, comme l'angoisse mais pour vous, pour ce
temps qui nous sépare, et qui laisse tant d'ombres au tableau.
J'ai rêvé j'avoue mais j'ai déjà oublié de quoi parlaient tous ces songes à demi-éveillés, cette
incroyable envie de croire à l'impossible, à aujourd'hui, ce qu'aujourd'hui dirait s'il avait une voix
mais il n'a que cette carapace de silence,
et cette belle obscurité sémée d'étoiles, celles que leurs yeux voyaient autrefois dans leurs
aventures, leurs nuits sauvages et éperdues quand ils cherchaient à tout prix à obtenir la liberté!
Toute ma vie je crois j'ai vu ces silhouettes. Toute ma vie j'ai entendu leurs chuchotements,
partagés leurs secrets, obtenus des confidences, toute ma vie j'ai su qu'un jour je les rejoindrai
dans cette quête absolue de liberté!
Le prix c'est la souffrance. Celle qui ne te quitte pas. Celle que tu supportes constamment parce
que souvent ta gorge est nouée, ton dos est courbé, tu ne tiens pas, tu ne tiens plus. Avec ces
envies de hurler à te rendre folle, que rien n'éteint, que rien n'apaise!
Tu vis la torture. Tu sais que personne ne comprend jamais la douleur. Jamais personne ne
comprend non ce que signifie d'avoir refusé, ce que signifie d'avoir dit NON. Ce non qui te
coûte chaque jour tout ce que tu es, qui te coûte tes joies et ton sourire, qui te coûte la lumière
du soleil, qui te tiens enfermée dans un mutisme dont tu ne cherches même pas à sortir,
et qui te rend la nuit presqu'amie...seules les étoiles en brillant parviennent parfois à te consoler, à
t'envoyer la lueur qui te permet encore de tenir.
Ecrire aussi quelquefois sans t'occuper trop de ce que ça dit ou pas, sans t'occuper de ce que
pensent les autres que finalement tu n'entendras jamais et dont tu ne penses rien. Seules les
étoiles ont encore du pouvoir sur toi, elles seules te disent de ne pas partir, pas encore.
Parce que finalement et cela jusqu'à la fin tu continueras à croire que ce qui s'est passé est
impossible, inimaginable, invraisemblable, inhumain, barbare : comme eux, quand ils ne savaient
pas.
Comme eux quand ils ne savaient pas!
Non, personne ne savait. Mais à voir ces visages défaits, blancs, ces larmes qui ne pouvaient
plus s'empêcher de couler même en public, ces regards désespérés, certains se doutaient,
certains comprenaient et serraient les dents, les poings fermés, la rage au fond des yeux! Ils
savaient soudain et ne cesseraient plus de savoir!
C'était finit! Là s'arrêtait l'insouciance. Le train stoppait en gare de "nowhere". C'était la fin du
voyage.
Ils les tueraient tous, un par un, dans l'indifférence et le silence générale : maladie, suicide,
accident. Tous ils y passeraient tous et aucun ne voulaient le croire, tous continuaient à vivre
comme si de rien n'était. Jusqu'au jour prochain où il ne serait plus possible d'ignorer.
Jusqu'au jour prochain où tout le monde saurait. Mais en attendant ils souffraient tous le martyr.
Elle sentait dans son indicible souffrance qu'elle n'était pas seule à souffrir autant. Et les autres
qui pensaient encore vivre dans un monde normal,
qui ne savaient pas encore mais qui bientôt ne tarderaient pas à savoir. Elle voulait vivre jusqu'à
ce jour, voulait vivre pour entendre les hurlements de ces gens qui comprendraient enfin, que
rien de ce qui se passait ne pouvait être normal!
Elle voulait voir les "justes" se lever, la conscience renaître, elle voulait voir les armes tuer les
salauds, les juges enfermer les ordures, la Loi réapparaître et ce cauchemar disparaître!
Mais elle savait comme elle le comprit un jour, comme tout ceux qui sont morts avant elle qu'elle
ne verrait pas ce jour, qu'on lui avait refusé ce dernier espoir et l'avait remplacé par cette
certitude cruelle, implacable, cette sentence qu'aucun innocent n'a jamais mérité d'entendre.
Nous mourrons à l'aube naissante, dans la plus pâle lueur, dans le froid encore de la nuit.
En écrivant ces mots elle ne pleurait plus.
Elle comprenait que de toute façon, rien ne servait de s'épuiser en larmes.
Elles étaient inutiles.