La nuit éclaire de ses trouées imaginaires l'espace que je parcours inlassablement.
Milles fenêtres allumées dans la nuit, au-dessus du vide le long des parois sèches : les immeubles de la ville. Cela ne m'inspire rien. L'inévitable et incroyable ennui que dégage toutes ces constructions immobilières, souvent blanches, grises, beiges, des couleurs absentes, des teintes qui prennent la pluie et le soleil avec la même indifférence, la même absence de vie, justement.
Les gens qui vivent à l'intérieur me font le même effet, me donnent la même impression d'absence de couleur, d'attitudes et de comportements passe-partout.
La ville d'ici c'est comme un grand désert me dis-je parfois en pensant à un de ses livres pour lesquels on aurait vendu une partie de sa bibliothèque. "Désert", (jmg LeClézio). Ou forêt. Champs ou prairies, vallons bordés de bois. L'espace naturel en regard de l'espace urbain quotidien et fonctionnel?
Quoi? Une question? Une interrogation? Une pensée quelconque à ce sujet? Non. Même pas.
Juste en souvenir se remémorer le bien-être que procure l'espace devant soi, vide, emplit du seul oxygène, traversé de quelques nuages un peu idiots, peut-être groggy de tant de vent, de tant d'air, bercé par les parfums de la nature, l'odeur des feuilles séchées par le soleil, ou très humides selon la saison, les couleurs, les rayons perdus entre les arbres, les trouées de lumière...
Si j'écris je n'ai pas vécu, j'ai rêvé. De quoi aurais-je l'air? Certainement d'une mauvaise "écriturière", écrivain sans veine, ratée, boursouflée, prétentieuse, copieuse de toutes les phrases d'avant, écrites par d'autres au talent reconnu aujourd'hui. Si je dis, je n'ai pas vécu, j'ai rêvé. J'aurais l'air autiste, décalée, associale, irrécupérable, instable, improductive, destinée à la pauvreté, à la misère, condamnée à l'errance!
Bref, il vaut mieux ne pas dire ce que l'on vit en silence,
car..."d'ailleurs" il n'existe qu'en soi
jamais à l'extérieur.