La chaleur que nous partageons, d'irréelle en bouleversante va traversant les travées de nos existences. Les mots que nous inscrivons sur les reins de chacun, sur le flanc, le cou, le dos vont de nos veines sanglées aux malles de nos souvenirs, aux regards profonds de nos voyages en eaux troubles. Plonge....je te suis....plonge....je te vis, revis, survis! Mon animal en liberté, fauve que les reflets rougeoyants enlacent au couchant. Je délire avec quelle joie! Le miel au fond des gorges, l'odeur des pins, la terre chauffée où roulent nos corps et nos accentuations mélodieuses. La chaleur que nous partageons, c'est encore le feu où nous brûlons nos regrets, nos mauvais souvenirs d'ici, puisque c'est aux ailleurs que nous destinons nos rires, sourires, vies, vivacités, désirs. Aux ailleurs que nous joignons d'un regard comme se retrouvent nos coeurs, âmes, corps aprés chaque traversées. Trouvant dans le souffle survivant la force de dire adieu, les larmes éteintes aux feux des regards, du fond, tréfond de nous mêmes luisent les mots du silence. Le langage réservé à ceux que le désir mène au-delà. Bien au-delà.
Luit.
La veille de notre rencontre le ciel avait inversé ses couleurs habituelles. Les nuages lourds déversaient leurs larmes sur nous. Le ciel était si bas. On foulait la grisaille, l'humidité. Pauvre de nous! Tas de corps abandonnés au froid, assaisonnés d'ennui, couverts de poussières; laideur absolue de ceux qui se trainent aux pieds de l'infini. Luit. Tes yeux luisent*. Ils luisent de cette flamme dont on ne parle pas, qui ne se dit pas, qui est trop ancienne pour être décrite, car plus personne ne se souvient d'elle. Au bûcher j'irais jeter mes vieilleries, les tiennes, les leurs : nos souvenirs, nos regrets, nos amertumes, nos déceptions, nos ratages. J'irais avec tes yeux brûlants en moi. J'irais avec ce feu intérieur que tous craignent et qui dévore jusqu'aux derniers instants de lumière. Luit. Envahit la nuit. Je te regarde partir. J'oublie la brûlure de tes mains sur ma peau. Je traverse le feu avec toi, les yeux dans les tiens, le souffle coupé par la chaleur étouffante. Sur l'air qui nous sépare, j'écris "je suis à toi". Ta silhouette me fait frissonner. Le rythme de tes pas sur le sol prononce ton retour. La porte s'ouvre, tes bras m'accueillent; résonne en nous, le chant-murmure fou. Au seuil de ma demeure je dis ton nom. Sur la peau de nos souvenirs je griffe nos adieux. J'inscris la date et le lieu. L'heure de nos adieux. Ta silhouette en flamme disparait de ma mémoire. J'écris encore tes yeux. J'écris encore. Je dis toujours. Je finis par disparaitre dans ses mots. Mon amour infidèle j'oscille dangeureusement entre ciel et terre. Je désire ton âme et cela ne peut se savoir. Cela ne peut se dire! Cela se vit. Comme autrefois vivaient les mendiants, les fous, les possédés, comme autrefois, mon amour.