On ne parle pas quand on a rien à dire.
Ca fait désordre tout ce silence.
Ca fait silence.
On ne parle pas dans le silence.
On écoute simplement.
Qui a encore quelque chose à dire ?
Non pas quelque chose. Quelqu'un.
Le silence à sa voix particulière. Une voix profonde et souterraine, emplie de cailloux, de graviers et de branches. Le silence est une rivière en crue une nuit d'hiver pluvieuse aux prises avec le vent.
Dans l'obscurité une surface luisante révèle sa présence. Avec lui, la nuit s'étend plus libre, plus profonde. Seuls des silhouettes d'arbres dénudés, masses sombres dans le lointain chantent gravement. Une pluie battante, un vent tourbillonnant, des feuilles emportées, des branches cassées. Il semblerait qu'une tempête se soit levée.
Mais personne ne parle autour du feu à l'intérieur des maisons. Les volets sont clos, les rideaux tirés. On écoute simplement résonner l'orage, tourbillonner le vent, se déchirer les arbres alentour. On a certainement rien à dire. D'ailleurs le dire ici n'est pas très répandu. Il est silencieux l'homme qui regarde le feu quand sa femme vaque alentour. Le grand arbre souffre, gémit mais ce n'est qu'un arbre car les hommes d'ici connaissent le son de la voix qui s'éteint un jour et que plus personne ne rallumera. On ne parle pas. Et après on ne parlera plus. On laissera tomber la pluie battante de la vie qui continue avec ou sans soi. On ne s'occupera plus. On regardera à peine. La vie d'ici est une vie de peine qui s'obstine à venir cogner aux carreaux.