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Les maux d'autres que soi.

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Dans l'autre une présence descellée. Un jeu d'absents. Dans ses regards, des ombres en fuites longent le sol de ces profondes pupilles. Des mares troubles où se lisent tant d'incertitudes. Je m'intéresse à l'autre, dans ces mouvements, je lis, devine, un roman de désirs. Je me tais, prudente. On ne sait jamais ce que disent les mots d'autres que soi. C'est éculé. Mais on ne sait jamais à quels maux les siens s'ajoutent. Dans les mots des autres, il y a d'autres présences que je ne connaîtrais jamais, que je devine seulement, planqués à l'affût, prêt à dégainer de vieux grimoires où leur histoire s'est écrite avant que l'autre ne naisse. Bien longtemps avant. Dans le passé.

Je me retourne pour voir quel genre de miroir déformant je porte sur le dos. On ne sait jamais dans quel marigot les autres se planquent pour vous observer. Là je revois le visage d'une grand-mère, rousse comme une méduse. Je cherche le grand-père mais dans les fumées des gaz de 14, je n'entrevois qu'une silhouette courbée, c'est Bardamu, le héros de "Voyage au bout de la nuit". J'ai toujours vu mon grand-père ainsi parce que le jour où j'ai entendu l'histoire de sa mort, je lisais Céline. En réalité, j'avais tout confondu il est mort à la suite de la seconde pas de la première guerre mondiale, sinon ma mère serait centenaire. J'étais enfant et j'avoue que les dates n'étaient pas mon fort. Ca ne s'est toujours pas arrangé...

Les mots des autres sont pleins de passé, pleins de visages disparus, pleins d'ombres errantes. Les mots des autres sont comme les miens tantôt lumineux, tantôt sombres. On les sort de la pénombre ces mots, on les dépoussière pour les présenter aux autres, on les offre comme des visages de soi, mais l'on se sait parfois multiples, à facettes, traversés d'ombre et de lumière.

Les maux des autres se voient souvent dans leur langage, dans leurs écrits, même dans leur corps aussi. Mes maux se voient dans mes écrits, dans mon langage, parfois même dans mon corps. Nos maux sont visibles jusque dans nos mots. C'est éculé mais cela se sait, se voit, se ressent. Nos maux se voient aussi dans le silence, jusque dans le silence. Le silence est un mal qui se retient, un non-dit qui se contente de lui-même.

Il est ce mot qui refuse la parole.

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