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Des fleurs et des arbres.

 

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                                    http://evacuatefukushimanow.wordpress.com/

1986

Catastrophe de Tchernobyll, des milliers de morts enregistrés, sacrifiés sur l'autel de la consommation excessive et du progrès non maîtrisé. Course éffrénée qui suit le nombre d'habitants sur terre. Comment les nourir? Comment les chauffer? Comment faire tourner cette machine infernale? Puis comment retirer profit de toute cette énergie engagée. Le pays, puis le continent, enfin le monde? Responsabilité des prix à la consommation, réduire, réduire. Permettre à tous de survivre, de vivre, enfin de ne pas mourir affamé sous un pont.

13 ans. J'apprends ce qu'est le nucléaire. Les particules et leur fonctionnement, l'atome, la fission, la fusion, les vapeurs d'eau qui entrainent les turbines qui produisent de l'electricité. Une image de l'atomium de Bruxelles me fait rêver. Je la garde en mémoire.
J'adore la physique nucléaire. 

Le peu que je découvre me passionne. L'atome est beau. Rayonnant. Il s'offre dans la lumière de mon étonnement d'enfant. Comme un trésor. Comment peut-on être aussi intelligemment construit? L'infiniment petit. Fascinant. Puis les progrès phénoménaux, rapides des sciences autour de l'atome, des molécules, des chromosomes, des particules. La quête continuelle de ces particules élémentaires qui pourraient expliquer l'origine de notre planète, enfin pourraient peut-être commencer à expliquer la nature du "big bang".

"Les neutrinos extrêmement difficiles à montrer en raison de leur faible interaction avec la matière".
Phrase notée, suspendue, accrochée à toutes les constructions imaginaires.
Les neutrinos, extrêmement difficiles à montrer en raison de leur faible interaction avec la matière : j
e pense aux vibrations, aux ondes et à nouveau à la phrase, la multiplication des "faibles interactions avec la matière", les vibrations de l'air, démultipliées sur la bonne fréquence, transformées en ondes jusqu'au point de rupture, l'explosion, la désintégration de la matière, enfin pour moi seulement.   

Se pourrait-il que le mirroir fonctionne avec autant de précision, du très grand au très petit?
Peut-être pas. Juste pour moi à nouveau, pour comprendre, rêver, imaginer.
Je pense au roman "La nuit des temps" de René Barjavel (un roman d'anticipation des années 70) et à ces milliers d'idées et d'inventions qui apparaissent au fil du déroulement de l'histoire. Sublimissime.
J'apprends que les neutrinos changent de "saveur", qu'ils oscillent!
[Dans le roman, la mange-machine qui produit des goûts et des saveurs inconnues associées à des idées de goûts, modifie ses données en fonction de celui qui l'utilise. Je rêve à nouveau de cette étrange machine qui peut à partir d'une formule mathématique reconstruire la matière ou plus prosaïquement comme il est raconté dans le roman, à partir de rien. Un jour peut-être lorsque nous aurons compris et décodé toutes les dimensions, trouvé toutes les implications des mouvements des particules, que plus aucun secret ne sera contenu dans le mot "particule", enfin peut-être comme ce roman le raconte nous saurons recréer la matière à partir de rien. ]
Vraiment les sciences sont un immense réservoir de rêves, de mots et de notions toutes plus étonnantes les unes que les autres. 

De l'infiniment grand à l'infiniment petit? Transmission et multiplication des modèles. Les vibrations dans l'espace, démultipliées. Comme une caresse, qui émeut la matière, l'idée de la vibration, sensible m'aide à me représenter comment l'espace et le temps pourraient interragir. Membrane. Mot illustrant l'étonnement, la surprise, l'émotion.
Elucubrations littéraires?
Pourtant James Joyce à trouvé le mot Quark. Avant tous. Dans l'exploration intérieure. La fine exploration de ses modèles de référence, épluchés, retournés, épiés et étudiés, surpris par le jour de la pensée.
Proust a lui mis en lumière l'idée de réminiscence, en relatant l'histoire de la madeleine. Une histoire qui aurait pu ne sembler que charmante mais qui se révélera finalement révélatrice d'un fonctionnement précis du cerveau humain, de la mémoire. Evoquant dans son sillage l'association de l'image et du mot qui permettent au langage de se créer durant l'enfance mais aussi de s'associer à un univers de sensations. Naissance de la psychologie. 

Quant à Bachelard en explorant  les liens entre l'esprit de l'homme et la nature, les liens poétiques,  il étonne. Il établit ou rétablit des correspondances et des corrélations qui se  transforment en liens précieux par le pouvoir évocateur du langage, de l'imagination, de la "rêverie créatrice" et qui forment le langage poétique. Jouant avec les idées, les images, les notions, il fait circuler la vie entre le passé et le présent, allant jusqu'à prévenir que le langage poétique est l'annonciateur du futur, son créateur, celui qui définit les marges à l'intérieur desquelles la vie va renaître, le sens souffler à nouveau comme le vent et reprendre son pouvoir ancestrale.
En lisant ses textes, il me semble que la nature débarrassée de ces stupides engins reprend à nouveau la force qu'elle ne devrait jamais perdre, l'océan son immensité, le ciel sa clarté...

L'idée née au milieu de l'obscurité. Nait-elle dans l'obscurité quand l'esprit cherche de la lumière, ou dans le silence quand la formulation échappe au discours et au langage? 
Du 14ème au 21ème Siècle. La lutte séculaire entre l'obscurantisme et le savoir. 

Le battement d'un cil.
Silence.

Si la science pouvait servir autrechose que le pouvoir et l'argent...
Mais ce rêve étrange mêlé de fil d'argent, fait par des milliers de cerveaux avant nous, des copistes du moyen-âge aux philosophes des lumières, de la pensée thibétaine à celle des indiens d'Amérique, n'est qu'un rêve. Un peu pâlit par l'illusion, les miroirs déformants du contrôle généralisé, du pouvoir absolu de ceux qui ont tout et qui veulent, assis sur leur siège doré conserver l'immense pouvoir d'asservir leurs semblables, de les réduire à rien, à l'état d'objet, de presque plus rien.
Pour dominer encore une fois et asservir toujours plus, à la mesure des anciens empires féodaux.
L'industrie plusieurs fois milliardaire, joue avec les cartes truquées de la démesure.
Manipulant, diversifiant, multipliant les jeux à l'infini, où l'homme se perd, où l'homme perd de vue sa propre existence.

Arrêt. Stop. Changement de direction.

Le Boson de Higgs, le soupçonné, découvert, vu, mis à jour, montré : enfin il est là!

Peut-être. On ne sait pas encore. On continue de le chercher. On cherche à circonscrire sa masse.
Sous nos yeux, peut-être.  La théorie des cordes enfin prouvée. 
J'ai rêvé.
Je rêve.  

L'accélérateur de particules est enfin terminé. Je lis la nouvelle dans un journal de province. Je n'arrive pas à y croire. C'est fait! Combien de kilomètres de tunnel creusés? 27 kilomètres. Impressionnant.
2008. Belle année. Comme Beaux-arts.
Belle année. Comme Année folles.

Depuis l'atome de mon enfance à cette particule élémentaire au nom si étrange, ça va vite, si vite.  Le temps accélère à la vitesse de la particule et soudain. Tout s'arrête, néant.

Histoire du passage du nuage radioactif : Tchernobyl. Union soviétique.

Les gens autour de moi sachant ce qu'il se passe, nous empêche de sortir quelques temps. La télé et la désinformation tombe à l'eau. Plus de champignons, ni de sorties en forêt.
Les images des gens qui entrent et sortent des batiments. Cette image d'époque, fausse ou vraie impacte ma mémoire de manière définitive.

Le bâtiment éventré, les chiffres et les évacuations...tout me fait froid dans le dos et m'incite désormais à une véritable répulsion vis à vis de cette énergie et surtout des centrales nucléaires.

15 ans, je développe mon argumentaire auprès de gens qui visiblement n'en ont rien à secouer, leurs hormones et leur nombril étant trop intéressants. Alerter, parler, faire parler, lancer des débats etc etc... Impossible! Tout le monde s'en tape! Souvent, on me conseille de me taire. Je ne comprends pas trop.

16 ans même chose.

17 n'en parlons pas c'est pire.

Je finis par comprendre que les gens n'aiment pas qu'on les saoule avec des trucs compliqués. Il faut trouver des gens qui pensent comme toi, me disent les moins occupés. Des gens qui pensent comme moi? L'expression m'étonne. Je ne comprends pas que l'on ne puisse pas intégrer l'idée que ce qui se passe autour de nous est très grave et que nous devrions tous être concerné.
Je découvre l'indifférence.
A quoi cela ressemble?
A deux yeux qui vous toisent avec un sourire vague en dessous, le portrait d'un veau qui mime l'étonnement. Des gens qui pensent comme moi? Mais on est si peu nombreux. J'oublie et je passe à autrechose. 


Milliter contre le nucléaire? Ca aurait été un peu comme milliter contre la course des nuages dans le ciel ou contre le froid en hiver, ce qui a été fait à l'époque mais par des types marrants, peut-être pour rire.
Ca aurait été perdre du temps. Et puis dans mon coin-coin les millitants anti-nucléaires étaient un peu vieux et ils faisaient un peu peur. Peut-être était-ce des gens en colère? Sûrement.
De toute façon, c'était un truc sérieux, d'adultes. Ils auraient eu besoin de rallier des gens importants à leur cause pas des insignifiants de mon espèce, les adolescents. 
Deux ou trois discussions pourtant durant lesquelles on me conseille de m'engager...
Mais en réfléchissant, je trouve la cause désespérée. A quoi cela aurait-il pu servir de faire des manifestations, ou d'écrire des slogans ou même de faire des dessins contre un truc qui rapporte autant et qui risque de se développer de manière rapide en entrainant avec lui des secteurs de l'industrie et en rapportant beaucoup d'argent, d'emplois et de réussite me dis-je rapidement. Comme ces immeubles immenses qui bouffent l'espace un peu partout autour de nous, construits sans regard sur le paysage, entassant, rassemblant des milliers de gens : banlieue affreuse que je découvre un jour et dont je ne garde qu'un seul souvenir : jamais!
Je regarde autour de moi et je ne dis plus rien. 

Pourtant, je n'ai jamais aimé l'énergie nucléaire.
J'ai toujours fuit tout contact avec quoi que ce soit en rapport avec l'énergie nucléaire.
Je fais la tête chaque fois que je vois écrit lithium sur une étiquette d' appareil électronique.
Ch'sais pas, j'ai peur.
J'aime pas.

2012.
32 ans.
Presqu'un siècle.
Des années.
Une vie presque.

Je découvre la catastrophe nucléaire précédée du séisme sur les côtes japonaises : Fukushima. En mars, j'ai fait comme tant d'autres, j'ai jeté un oeil aux actu puis je suis repartie, happée par la vie. Je ne me souviens pas. Je n'avais pas le temps. Je découvre l'ampleur de la catastrophe. Je n'ai  pas envie de pleurer. 


Pourtant je sais comme tant d'autres savent et ne peuvent douter de ce qu'il adviendra de ceux qui ont été en contact avec les radiations aussi infîmes et invisibles soient-elles, comme en ex-union soviétique il y a de cela presque trente ans : ils seront dispersés. Les maladies seront tues, diluées dans la masse. Ceux qui sont restés trop longtemps, les gens qui n'ont pas les moyens de fuir par exemple, les habitants de Fukushima (environ 80 000 d'après ce que j'ai pu lire ici ou là) vont mourrir dans l'indifférence, peu à peu, petit à petit. Les responsabillités disparaissent. Plus de responsables, plus de coupables. 

Peut-être la société qui s'occupaient jadis de cette centrale disparaitra t-elle aussi, qui peinent à trouver des bras et des mains pour consentir au sacrifice. 300 personnes (chiffre donné durant la crise, il y a 6 mois, par les mass-médias pour tenter de rassurer. Mais qui cela rassure t-il? Tchernobyll : des milliers de personnes, 600 000 apparemment, réquisitionnées pour tenter de ralentir la progression du corium, des mois de combats, des tonnes de sable injecté, des milliards dépensés pour sauver une partie de l'humanité...) pour tenter de sécuriser au moins deux coeurs en fusion, deux ou trois coriums on ne sait pas exactement, dégagant des millions de becquerels/seconde

Tout le monde s'inquiète, on échafaude des hypothèses avec ce que l'on sait, ce que l'on croit savoir. Les coeurs fondus, traversant le béton puis la terre pour enfin peut-être rencontrer une nappe phréatique, peut-être une explosion nucléaire. On ne sait pas. On ne sait plus rien. Une sorte d'abandon, de léthargie. On attend. On ne sait plus. 
Guerre lasse. On passe à autrechose. Plus d'infos, plus de nouvelles. De temps en temps, de çi et de là quelques commentaires sur la vie quotidienne. Des gens qui tentent d'éviter les contaminations, qui luttent seuls dans l'indifférence générale, sachant, devinant, supposant qu'on leur ment tous les jours parce qu'on a pas de solutions.  A qui l'on tente, d'ici de faire comprendre qu'il ne faut pas rester, qu'il faut partir, qu'il fallait partir immédiatement, sans attendre, sans penser une seconde aux conséquences et au ceci ou au cela, sans réfléchir donc. Aussi loin qu'il est possible d'aller, de ce drame silencieux, inodore, et invisible que devient une catastrophe nucléaire après l'accident nucléaire, polluant, et empoisonnant tout alentour; rendant la vie difficile, voire quasiment impossible à la population qui commence à vivre dans la peur à mesure que les contaminations des sols, aliments se révèlent de plus en plus hautes.

Que le nucléaire, ce n'est pas une blague, que la contamination radioactive non plus!

Je sais enfin, comme on sait que chaque matin le ciel palira avec l'arrivée du jour, que cela ne cessera jamais, que jamais on ne cesse de vivre en combattant ceux qui guidés par leur égoïsme laissent les autres réduits au niveau du faire-valoir, vivre dans l'ignorance, ceux qui encore laissent mourir d'autres censés être leur frères, dans le silence et l'abandon. Comme s'ils n'étaient pas le miroir dans lequel nous sommes tous censés nous voir : êtres humains! 

Alors quoi encore de la religion et de ces bonnes pensées, quoi encore du civisme et de nos manières policées, si nous nous ne sommes pas capables au moment où souffrances et morts menacent, d'intervenir et d'agir pour sauver ce que nous pouvons sauver. Rien à nouveau. Les bas fonds comme référence, la bêtise comme point d'appui, la cupidité et l'avarice comme compagnons. Les poux et la vermine comme pauvres pensées, acheter, acheter, consommer, consommer, bouffer, bouffer, baffrer, cupides infâmes humains, capables d'échanger son peu de valeur morale contre un peu de monnaie, des ors et des honneurs!

Alors à nouveau, je regarde une fleur.
Je note sa couleur, la forme de ses pétales, les reflets et les dégradés, le satiné et le rêche, les variations sous la pluie, le soleil, les nervures en transparence et je savoure le plaisir de ne jamais être séparé de la nature.

On croit souvent que ce ne sont que des jolis mots, des jolies phrases un peu futiles mais pour certain(es) dont je suis, la nature est ce que nous sommes.

Elle est la réalité que nous détruisons. 
De l'air.
De l'eau.
De la terre.


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