Je t'inspire de drôles de choses dis? Non?
Mais non. Tiens toi droite. Ne bouges plus.
Voilà c'est terminé. Il range son matériel, la séance est terminée.
Par la fenêtre un arbre en fleur. Printemps-Eté 95. (Collection "souvenirs")
Conversation
Elle: Et s'il n'y avait pas la vie de l'esprit?
Lui: On s'ennuierait, très certainement.
Elle: Ah.
Oui tu as raison. J'imagine tous ces corps occupés à satisfaire leurs pulsions. Ce serait chiant, tu sais.
Lui: Oui affreux.
Se disant elle ouvrit une anthologie de poésie française, après quelques secondes elle releva la tête et dit.
_"Que crois-tu que tous ces gens auraient pensé de cette époque...?"
_"J'imagine qu'ils l'auraient détestée tout autant que nous."
Par la fenêtre le magnolia en fleurs, les pétales au sol, le pépiement des oiseaux, un rayon de soleil, l'éternité en cours de réalisation. Avec si peu, le ciel et la terre produisaient leurs miracles quotidiens, un sentiment d'admiration l'emplit face à ce qui échappait encore aux mains humaines. Et une envie soudaine de se dissoudre, de s'évaporer, de retourner à la terre, lui fit penser à cette suite imaginaire...
_"Que souhaites-tu dîner?"
_"Je souhaite me nourrir de l'air du temps. Cela ne te déranges pas j'espère."
Ils auraient rit alors.
Reflet dans un oeil noir.
Lui: "Alors je l'ai regardé. Je l'ai regardé me regarder. Le flash de l'objectif a percuté sa pupille. Les miens sont restés ouverts. Je suis habitué. Je suis photographe. Pourtant, j'ai cherché un sourire dans ses yeux."
("collection souvenirs") Printemps-Eté 1995.
Autre moment : _ "Il me semble avoir oublié une ombre. La mine grasse glisse sur le papier, accroche parfois une aspérité puis reprends son crayonnage minutieux. Le modèle s'ennuie. La dessinatrice se demande si elle ne va pas le perdre du regard. _Ne bouge plus. Tiens moi cette pose bon sang! Elle s'énerve un peu. Le rouge de la sanguine lui couvre les doigts. Elle combat l'envie d'abandonner, puis se ré-attache à la courbe d'une hanche, au muscle d'une jambe. Le regard narquois du modèle ne lui a pas échappée. Elle choisit de l'ignorer."
Lui: Ce regard fixe...qui n'évite jamais....droit....me fascine. J'essaie de m'échapper mais c'est comme si une force invisible me retenait, me commandant de ne pas bouger, de la laisser voir. De la laisser regarder à travers ces troubles reflets de l'âme ce que je suis, qui je suis ou bien qui je ne serai jamais. Elle oscille entre le désir de m'interroger mais se tait obstinément. Cette bouche fermée et ces yeux fixes ont une sorte de charme dans lequel je me perds aussi simplement que si nous n'étions qu'une seule et même personne.
Elle: Merde! Tu as bougé. Un flot d'insultes amères et sinistres sort de ses lèvres comme un flot ininterrompu de récriminations qui dans ce cas, elle le pense sont parfaitement justifiés. Merde! Merde! Et merde!
C'est vraiment impossible de faire poser un taré de ton espèce. Allez lève-toi, rhabille toi! J'ai autrechose à faire. On verra ça un autre jour!