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Note de fin de page

medium_collage3.3.jpg Parfois ne plus dire c'est encore dire. Taire c'est parler des choses autrement. Dessiner, peindre, c'est aussi dire. Les formes du langage sont variées, multiples. Certaines d'entre elles échappent volontairement à la compréhension, se dérobent à la description, cherchent à enfreindre les lois de la réduction au plus petit dénominateur commun. Certains d'entre nous possèdent un décodeur naturel et peuvent allègrement se passer du mot pour communiquer. Ceux-là sont vernis. Un clignement d'oeil suffit à communiquer une intention, un mouvement de sourcil, un sourire à peine esquissé. Ces signes légers, à peine apparents, voyagent en dehors des lignes de codes établis pour tous.

Je voudrais me pencher au dessus d'une margelle et compter les gouttes qui glissent sur la surface. Je voudrais ouvrir la fenêtre, être si légère qu'un seul mouvement de l'air m'emporterait au loin. Je voudrais rêver d'un oiseau dont je comprendrais les trilles. Je voudrais pouvoir saisir la force d'un océan juste en le regardant. Je voudrais taire et dire. Dire ou taire enfin bref échanger le sens des mots. Je voudrais faire tourner le sens des mots sur lui-même jusqu'à lui donner le vertige et le regarder se tenir sur le fil d'une pensée avec la seule force de son centre en mouvement. Un mot toupie attirant comme un mélange de couleurs, d'émotions et d'impressions. Un mot centre, trou noir, étoile en fusion. Je voudrais puis, je ne voudrais plus. J'arrêterais soudainement de vouloir et je laisserais le  vent parler à ma place. Je laisserais l'oiseau qui s'envole disperser ses plumes dans le ciel, la fleur qui s'ouvre remplacer le soleil, le centre de l'arbre palpiter en lieu et place de ce qui fut un coeur. Ainsi peu à peu perdre la sensation d'être un corps, devenir une musique, une brise, un scintillement de lumière, un miroitement de lune. Devenir le baton qui trace au sol les premières lettres d'un alphabet de lumière et d'eau, de terre et de vent. C'est ainsi qu'en m'obstinant à regarder l'arc du ciel, en fronçant juste la pointe d'un sourcil, je disparus.

Il semblerait qu'à ce moment je découvris un morceau d'un code secret car j'entendis soudainement une voix m'appeler virgule, ce n'était qu'un murmure et je me retrouvais deux secondes plus tard balançant sur une ligne noire. Je me dis que je devais ressembler à une hirondelle en équilibre sur un fil mais je finis par trouver cela amusant et continuais à me balancer l'air de rien sur cette ligne tracée à l'avance. Et puis je n'avais pas à m'en faire, quelqu'un déciderait certainement de me changer de place un de ces jours. Mais un nuage survint et de virgule je me retrouvais chapeautée par un point noir qui vu du dessous me faisait bien trop d'ombre. Cela me déplut particulièrement. Je me décrochais derechef de ma ligne et sautais dans le vide. Heureusement qu'une série de croches passaient par là, elles eurent tôt fait de siffloter un air qui me servit de filet.

Bondissant sur les notes, je m'amusais tellement que je me trouvais rapidement une clé où m'enrouler de l'extrêmité à la pointe. C'est d'ici que j'observerais la partition! 

Les portes de la perception s'ouvrent. Elles battent entre deux plans, le réel et l'imaginaire. Battement de cils magiques qui soulèvent et déposent des parcelles brillantes à la surface des choses. Les étangs se changent en miroir pour la lune et la toile de la nuit sert à peindre une série de rêves en tableaux. La scène s'anime sur le papier et deux ou trois personnages entament une discussion passionnée.

Vous êtes ici dans un monde à qui l'on reproche sans cesse de ne pas exister, de ne pas produire, de ne pas "faire". Un monde qui ne reflète que nos pensées, et qui ne crée jamais autrechose que de l'éphémère, de l'impermanent, de l'intangible. Ce monde se dissipe au matin, alors que le bruit de la circulation motorisée envahit les villes. Ce monde n'existe pas car il peine à trouver assez d'oxygène pour survivre.

Ce monde dit que du rêve nous provenons, au rêve nous retournerons... Et cela malgré le béton et l'acier qui nous entourent. Il suffit d'ouvrir les yeux et de faire battre ses cils quelques instants pour le comprendre. 

Mouvement battant, un puis deux. Juste un mouvement imperceptible, trop léger pour être noté, trop rapide pour être mémorisé. Un, deux, l'oeil se lève puis s'assied, déployant ses pattes d'araignées. Un deux, il est oeil, puis araignée puis éclipse. Il tourne sur lui-même. Il est lune miroir, image et dessin. Mémoire des milliers d'yeux qui ont un jour été représentés. Il est lui et sa projection. Lui et son image que l'on confond dans la fascination du regard, qui se renverse pour laisser entrevoir une émotion, un trouble à l'origine du scintillement d'un milliers de parcelles dorées.

Un regard et c'est le monde que l'on entrevoit entre deux rangées de sombres boiseries. Le couloir éclairé par la lune diffuse. L'inversion de la surface en toile.

Peintre que vois-tu en un regard?

 Je vois la lune et son reflet dans l'eau noire; je vois le trajet du poète au sol, observant les miroitements, les scintillements. Je vois un monde merveilleux s'inscrire en filigrane, palpiter derrière le réel. Je sens son coeur, je peux le toucher.

Peintre, poète, écrivain, décris nous, dis nous, où se trouve cet univers?

Juste derrière toi ami, dans l'ombre qui te suit, te projette au sol; dans le murmure de tes gestes qui se lèvent, ceux qui appellent Dieu, qui prient, dans le mouvement d'un monde qui glisse vers le silence et l'observation.

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