Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Promesse.

     
    Montorgueil nuit 090324 004.jpg

    "Oui je sais... tout ce que nous taisons, tout ce qu'à chaque frontière, à chaque transition nous ingurgitons pour continuer à modeler de nos souffles le silence. Je sais.

     

    Pourtant je continue à écrire, malgré les gorges coupées, les assassinats, les pendaisons, les crimes qui parcourent de leurs souffles courts notre monde d'infâmie. A toutes les transitions, je te dis : j'ai choisit le silence. Le silence est sacré, impressionnant, même s'il semble parfois inhumain. Le silence marbré de hurlements sanglants, de folie et de désespoir. Il nous protège d'une certaine manière. Peut-être n'y at-il pas de mots...Parfois j'aimerais que cessent les discours convenus, les mots empruntés.

     

    Quand le silence règne nous retrouvons nos jeux, nos sourires d'enfants, nos regards émerveillés et nos larmes. Une sorte de Printemps.

     

    Te souviens-tu comment est le Printemps chaque année? Te souviens-tu des jeunes pousses, leur couleur, les premiers rayons de lumière chaude? L'orangé dans l'air où les premiers insectes viennent jouer à vivre quelques instants pour une vie? Nous partagerons ce silence bientôt et je te montrerai tout ce qui autour de moi continue de me donner espoir."  

     

     

     

    Il finit de parler. Sa voix est sèche, son regard embué. Elle n'avait pas dit un mot pendant cette longue diatribe, pensant que certains instants devraient être l'espace d'une seule parole.
    Elle le savait fatigué. Sa voix dans l'écouteur avait pris une tonalité dramatique. Comme souvent il en rajoutait, comme souvent il jouait avec les limites de sa raison parce que... lui disait-il parfois, la raison est un néon de bar à pute, elle éclaire autant qu'elle obscurcit, autorisant les ombres à se déployer, les hommes à devenir fou... Elle, je crois, écoutait avec une sorte de dévotion ce langage de poète en colère, qui oscillait entre un lyrisme de névrosé et le désespoir profond de celui qui se sent incompris.

    Il y avait peu à ajouter. Elle sentait l'importance du propos mais ne comprenait pas tout aussi exactement qu'elle l'aurait souhaité. Il restait des zones d'ombre. Pourtant elle sentait que le seul fait de l'écouter la délivrait de cette sorte d'ignorance mêlée de culpabilité de n'avoir pas toutes les années d'expériences qui lui aurait permis de saisir l'exacte portée de ces mots.

    On ne vit que sa propre vie se dit-elle. Et c'était bien là ce qui la dérangeait...Pour cette raison elle avait développé un sens inhabituel pour son âge : le sens de l'écoute. Elle écoutait les autres, les interrogeait, en profitait pour approfondir les questions qu'elle se posait, n'hésitait jamais à revenir sur un point qu'elle n'aurait pas compris.

    Il était fascinant d'écouter les autres, fascinant d'entendre ces récits de temps aujourd'hui disparus. La mémoire des autres, ce qu'elle nous transmet et comment elle le fait. Par quels étranges circuits "l'autrefois" reprend vie dans le présent de ceux qui racontent et dans l'imaginaire de ceux qui écoutent.

    Sa promesse était de celle qui pouvait l'intéresser : partager le silence. Etre bien ensemble quand on ne parle plus, quand les mots s'apaisent enfin pour se gonfler d'autres présences... Ceux que l'on vient juste d'évoquer et dont la silhouette tarde à s'évanouir...

    Dans le combiné le silence s'était fait.

    Qu'aurait-elle eu à répondre? Que bien sûr son envie d'écrire n'avait jamais disparu, qu'elle ignorait pour quels motifs elle devait écrire si elle voulait vivre et que jamais l'un ne se séparait de l'autre. Comment dire que parfois l'abjection lui prenait la gorge et que des larmes coulaient malgré elle, qu'il lui était vraiment difficile d'évoquer ces tortures de l'âme où le monde en fournaise la plongeait. Des abîmes d'incompréhension, des sentiments de dégoût, des envies de se cloîtrer pour de bon, loin de tout, à l'abri.

    La vie des nonnes lui semblait parfois si douce. Elles, au moins elles prient se disait-elle en dernier recours. La prière comme secours, la prière dans un monde qui ne croit pas, dans un monde qui produit et n'entend rien de l' au- delà. Même ce mot lui paraissait désuet : l'au-delà! Piètre consolation.

     


    Le silence durait. Il n'a pas cessé depuis.

    Le silence, l'entends-elle encore lui dire est sacré, impressionnant, même s'il semble parfois inhumain. Il a une raison d'être supérieure à celle de la parole. Il protège des mots faciles, de la légéreté, de l'inconséquence, il protège la vie intérieure...

  • Inversion

    medium_Photo_10.jpg







    Pour tuer le temps :

    On fume des clopes
    On prends des drogues
    On boit des verres d'alcool

    Mais on oublie que c'est le temps qui nous tue.

    On pourrait penser que le sommeil
    nous aiderait à passer certaines rives
    un autre côté du Temps,
    prés de lacs aux reflets bleu-gris,
    une fois le miroir retourné, on trouverait l'oubli.

    Mais le silence mange la marge...
    des pages de souvenirs écrits de mémoire.

    Quelques neurones reliés entre eux filent Ariane...
    sur un chemin où passent nos rêves (ceux que l'on n'appelle pas), où l'on regarde les souvenirs s'oxyder.

    On pourrait penser qu'avec quelques rires, une larme de folie, une toile d'ennnui, les rebonds nous enverraient promener...loin, trés loin.

    Mais il en est de la vie comme des souvenirs
    c'est elle qui nous promène, rarement nous.

    Donc puisque nous sommes un peu de ces feuilles au vent...que de liberté en somme il n'existe que dans nos rêves, puisque ce cours d'existence draine tant de cailloux qui finissent dans le fond de nos chaussures, qu'à force de marcher sur ces arêtes tranchantes nos pieds finissent en sang, on décide de s'asseoir tranquillement...sur le bord du chemin. On rallume une clope, peut-être une drogue mais finit-on par penser pas bien pire que nos illusions.


    Le soleil imperturbable joue comme d'habitude dans le feuillage qui comme souvent se met à bruisser au moindre vent. Silence...L'écrin feuillu renferme un oisif dont le chant soudain me fait penser à...rien...absolument rien...
    juste à l'envie de laisser ses oreilles se remplir de trilles.

    Le bien-être!

    Voilà ce qui pourrait renvoyer le son de l'ennui dans les cachots d'où malveillants corbeaux et croassants de tous poils l'avait tiré.

    Pool!

    Une peau de serpent le long du chemin, la mue des rampants. Je souris en marchant. Dans les nuages les souvenirs finissent de se disperser, j'avais aperçu quelques visages au loin. Les mousses ont recouverts les troncs des arbres. Une clochette jaune puis une pervenche...Encore quelques pas et je croise le dos luisant d'un insecte, un reflet bleu sur le dos en guise de bagage.

    Ballades éternelles de ceux qui se perdent dans les sous-bois de la mémoire, où vont parfois hurlant les vents de l'hiver mais où souvent le Printemps surprend... Encore quelques pas et l'été aux goûts sucrés fera son entrée.


    J'aurai la nacre d'un coquillage entre les doigts, sa coque irisée contre la paume refermée de ma main. Ce sera lent, long, presqu'insurmontable de lenteur. A ce moment j'aurais le sentiment posée là contre le sable à deux doigts du ciel que je suis un grain de sable. J'irai rouler dans la coque translucide, glisser contre la nacre, respirer l'océan. Il n'y aura rien d'autre que le vent le sable et l'océan, bruissant à quelques pas.

    J'aurais enfin "tué le temps"!
    Milles et un souvenirs, minutes, moments seront venus s'enrouler autour de moi, me portant vers le ciel, vers la lumière. L'ultime et décisif moment où tous les tourments, tourbillonnants, seront aspirés par le néant. Alors, l'oubli simplement rejoindra ma mémoire. Le miroir glissant sur lequel auront vécu tant de soupirs disparaîtra.

    Le miroir glissant sur lequel auront vécu tant de soupirs aura disparu.  

  • Nervures.

    Sur la feuille asséchée par l'automne, je passe le doigt. Je sens les fibres sous ma peau. Sur ma gauche, un arbre est droit dans le vent. Dans la cour un peu plus haut, des enfants jouent. Je pense en rêvant aux longues heures de l'enfance, aux chutes dans la cour, aux courses échevelées...Comme les nuages au dessus, dans leurs jeux, mon sourire se perd. Mon souvenir se refait avec la couleur des ardoises grises sur lesquelles la pluie tombe. Bientôt 5h, j'irai quelquepart dans un coin de ma mémoire goûter une de ces énormes tartines de pain ancien au dessus d'un bol fumant de lait chaud...Si le trajet de mon souvenir ne me perd pas en route, j'aurai le temps d'y ajouter une cuillère de chocolat fondu. La cloche a sonné le glas de ma rêverie. Je reprends ma jolie feuille rousse et continue de regarder en transparence ces long fils qui courent sous sa chair de papier. Ma peau est pleine des frissons qu'un vent vient de faire naître. Tes souvenirs sont tombés au seuil de l'hiver semble t-il chuchoter doucement.

    Oui c'est vrai, le temps, passe, " et emporte avec lui le rire des enfants" dirait une chanson.