Un besoin essentiel, l'envie de s'exprimer, de s'évader, de construire des paysages différents intimes parfois ou renversants. L'envie d'entrer en relation avec un monde imaginaire et de partager son voyage. De construire des ponts entre le réel de l'écriture et l'imaginaire qui vous emporte. De regarder ce qui nous entoure avec le regard de tous ceux qui l'ont rêvé pour vous et avant vous. De partager donc d'exprimer donc d'extérioriser d'une certaine manière des sentiments en les enrichissant et en les polissant de manière à séduire autrement, à découvrir en soi des trésors de patience et de générosité aussi, à se voir humain, bouleversé et traversé de tant de manières différentes par ces rayons de matière lumineuse, les mots.
Avec le temps on équilibre le propos, on rationnalise le récit, on mesure les vers parfois, on recherche l'effet...A d'autres moments on part volontairement aussi loin que l'on peut. On lâche volontairement règles et lois au profit d'une totale liberté, une volonté de s'émanciper de l'habit trop étroit du cadre pré-défini : on se débrouillera avec trois fois rien, on fera des robes de princesse avec quelques haillons retrouvés ça et là dans le fond de la mémoire et les malles s'ouvriront et les souvenirs ressurgiront : arbres, chemins, forêts, trajets d'enfance, vallons adorés, toutes sortes de paysages dont jusqu'à présent on n'avait pas encore trouvé l'utilité se bousculeront pour être présents dans la distribution.
C'est fou, c'est loin, c'est présent ou absent, lourd ou léger, vague ou précis, coloré ou teinté d'obscurité, joueur ou sérieux, effronté, respectueux parfois, tenu au secret, au silence intérieur aussi...
S'exclamant pour jouer, parodiant à satiété, déroulant obstiné une trajectoire étroite, fondant en larmes parfois, parce que vraiment ça suffit tous ces mots à perte de vue dont on ne saisit jamais que trop vaguement le sens et qu'à la fin on finirait par s'énerver de ne pas savoir communiquer exactement le millième de seconde, la teinte réelle de cette aquarelle que l'on regardait enfant dans le salon de thé, et que l'on se sentait un peu obligé d'admirer mais qui nous laissait totalement indifférent et que l'on s'empressait de dénigrer intérieurement une fois l'été arrivée : les pieds dans l'eau, béat d'admiration devant la beauté du coucher de soleil, bercé par le ressac des vagues, vaguement refroidit par le soir tombant...et parfaitement convaincu de la nullité de cette aquarelle!
J'avoue! J'ai tant aimé, trop aimé, parfaitement adoré, la poésie française. Les longues strophes de Rilke que j'aurais pu lire des heures, ce que d'ailleurs je ne me suis jamais privé de faire, la délicatesse du lys dans la vallée de Balzac dont je découvris tardivement la magie évocatrice, (pourtant quand je le lisais il y a de cela des années et que je laissais trainer un brin de lavande entre les pages, j'ignorais qu'un jour les paysages décrits dans ce roman ne me quitteraient plus).
Ici, là, ailleurs. Tout, parfois presque rien.
Légèrement ou définitivement la poésie est un atelier de fabrication pour la beauté qui provient de nos rêveries, que l'on ressent et que l'on éprouve et dont on fait un monde pour entourer ceux que l'on aime.