Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Futur = ZERO!

De l'air, de l'eau, de la terre EMPOISONNEE

Pris ici 

NO FUTUR

ZONE MORTE

mercredi 13 mars 2013par Janick MagneRoger NYMO

Tout ce que contient cet article, textes et photographies sont de Madame Janick Magne.

Pour la troisième fois, elle s’est courageusement rendue dans la zone interdite de Fukushima.

Les risques qu’elle prend, elle les prend en conscience afin de pouvoir témoigner le plus largement possible sur la terrible et durable réalité des conséquences de toutes les catastrophes nucléaires.

Merci « Magic Janick » !


JPEG - 497 ko
Janick Magne le 16 février 2013 à Futaba (Zone interdite). © Janick MAGNE février 2013

Je dédie ce texte à mes amis de Futaba, la famille qui m’a accueillie si gentiment malgré sa détresse : les oncles, les tantes, les cousins, les cousines, mon amie M. et ses parents. Je le dédie aussi au maire démissionnaire de Futaba, Katsutaka Idogawa, à qui j’ai fait la promesse de témoigner de ce qui s’est passé à Fukushima.

Janick MAGNE ©Tokyo 02/03/2013


JPEG - 633.9 ko
Futaba, zone interdite, le 4 novembre 2012. Avant de partir, il faut bâcher l’entrée de la maison (les portes coulissantes ne fonctionnent plus depuis le séisme), pour protéger la maison des intempéries, des animaux, et décourager un peu les voleurs potentiels (600 cambriolages étaient recensés à Futaba en 2012). En février 2013 TEPCO proposait aux propriétaires venus voir l’état de leur maison (pour une durée autorisée maximale de 5 h00) des produits contre rats et souris, qui envahissent maintenant la ville. (© Janick MAGNE novembre 2012)

Février 2013 Ce jour-là, je retourne dans la zone interdite de Fukushima. C’est mon troisième voyage sur les lieux. Les dates de chacun de mes déplacements sont imprimées dans ma mémoire : on n’en revient pas indemne, et ces visites m’ont marquée de façon indélébile. Je me rappelle avec précision ce que j’ai fait, vu et entendu à chaque voyage. Et combien j’ai pleuré, sous l’emprise du choc et de l’émotion, au retour de ma première visite, le 18 février 2012, il y a juste un an. Entre ces deux voyages de février 2012 et 2013, la famille japonaise que j’accompagne lorsqu’elle retourne dans la zone pour quelques heures seulement (il est interdit d’y rester plus de cinq heures) m’y a emmenée aussi le 4 novembre 2012, par une belle journée d’automne qui ressemblait à un été indien.


JPEG - 503 ko
Étonnamment, de nombreuses maisons n’ont pas du tout souffert du séisme, dans la zone interdite ; et en haut de la colline, bien sûr, elles n’ont pas été atteintes par le tsunami. Par contre, des tuiles sont tombées ou risquent de se déplacer. Depuis que les familles sont autorisées à revenir de temps en temps pour une durée de 5h00 maximum, certaines personnes ont recouvert les trous dans le toit avec des toiles, qui sont maintenues par des contres-poids faits de sacs poubelle remplis de sable. Toutes les maisons sont inhabitables, y compris de magnifiques propriétés. Mais l’impression générale est que très peu de personnes sont revenues voir leurs maisons. FUTABA, zone interdite, le 16 février 2013. Il neigeait. (© Janick MAGNE février 2013)

Il n’est pas facile de se rendre dans la zone à moins d’avoir un motif précis. Les contrôles sont stricts et il faut en faire la demande à l’avance. Je dois à mon amitié pour une famille originaire d’une des petites villes aujourd’hui situées en territoire interdit de pouvoir m’y rendre de temps en temps. Mon objectif est clair et mes amis japonais y souscrivent entièrement : témoigner, dire l’horreur d’une catastrophe nucléaire, raconter comment du jour au lendemain tous ces gens ont perdu leurs biens, leur maison, leur travail, leurs rêves, leur vie.


JPEG - 627.7 ko
Ce qui reste d’un magasin abandonné depuis deux ans, à FUTABA, zone interdite, centre-ville. Le 16 février 20013. (© Janick MAGNE février 2013)

La ville de mes amis s’appelle Futaba. Moins de 7000 habitants avant la catastrophe, aujourd’hui ville-fantôme vidée de ses habitants jusqu’au dernier. Une ville de pêcheurs, d’agriculteurs, une ville aussi dont la moitié des personnes actives étaient employées à la centrale de Fukushima-1 ou à celle de Fukushima-2. La zone d’exclusion, qui s’étend en arc de cercle autour de la centrale de Fukushima-1 sur un rayon de 20 km, comprend 8 municipalités dont la population totale était de 70 000 personnes. La centrale N°1 avait 6 réacteurs. Les tranches 1 à 4, où s’est joué la tragédie nucléaire, sont situées dans la ville voisine, Ôkuma, plus gravement contaminée que Futaba. Les tranches 5 et 6, qui ont beaucoup moins souffert de la catastrophe, se trouvent sur le territoire de Futaba. A chaque voyage, nous sommes à environ 1,5km de la centrale accidentée.


JPEG - 205.1 ko
Le dosimètre fourni par TEPCO pour la visite dans la zone interdite (ici à gauche) montrait des chiffres très inférieurs à ceux de mon GAMMA SCOUT allemand pour les valeurs élevées. Pour les valeurs basses, c’était pareil. Ici, j’ai plus de 19µSv/h (à droite) alors que l’appareil de TEPCO indique 14 µSv/h. Il ne dépassera pas 17, alors que le mien est monté à 35 µSv/h. (© Janick MAGNE février 2013)

Avant même d’entrer dans la zone interdite, mon compteur Geiger montre des chiffres trop élevés. Des gens vivent et travaillent tout autour de la zone, dans un environnement à la radioactivité pourtant anormale. C’est le drame de la province de Fukushima : des villes, des villages, des quartiers entiers sont contaminés un peu partout mais n’ont pas été évacués. Les enfants ne peuvent pas jouer à l’extérieur mais continuent pourtant d’aller à l’école. Des groupes de bénévoles se sont créés pour emmener les enfants jouer de temps en temps dans des zones saines. Il y a aussi des évacués volontaires, nombreux, mais livrés à eux-mêmes, sans aide ni assistance. Les familles sont parfois obligées de se séparer et beaucoup de couples finissent par divorcer. C’est ce qu’on appelle au Japon le « divorce nucléaire ».


JPEG - 420.6 ko
Au cimetière de Futaba, zone interdite, le 16 février 2013, les fleurs sont artificielles. (© Janick MAGNE février 2013)

A l’entrée de la zone interdite, nous passons par le poste de contrôle : on vérifie nos papiers, mon passeport, nos autorisations. On nous donne des tenues de protection et des dosimètres enregistreurs. Des toilettes de chantier sont maintenant installées à proximité du hangar qui abrite le poste de contrôle, on nous autorise à les utiliser. Dans la zone d’exclusion, il est interdit de boire, de manger, de ramasser tout objet tombé au sol ...et de faire ses besoins. L’heure-limite de sortie nous est bien spécifiée, écrite sur un document : nous entrons à 10h, nous devons être sortis à 15h au plus tard. Un talkie-walkie est remis au conducteur. Pour la première fois, on nous propose un petit compteur Geiger de fabrication japonaise. Je convaincs discrètement mes amis de le prendre.


JPEG - 389.4 ko
La vie s’est arrêtée il y a deux ans... Zone interdite, FUTABA, centre-ville, 16 février 2013. (© Janick MAGNE février 2013)

Notre voiture avance. Un peu plus loin, nous enfilons tant bien que mal nos tenues de protection. Pas simple, dans la voiture ! Portières ouvertes, pour pouvoir bouger plus facilement, nous enfilons au-dessus de nos vêtements et de nos chaussures la tenue blanche en matériau non tissé qui nous protègera non pas des radiations mais de la poussière radioactive, des particules de radionucléides qui risquent d’imprégner nos vêtements : pantalon, bottes de protection, puis tunique, bonnet, masque qui tient aux oreilles par un cordon. Chaque fois que nous sortons de la voiture, nous enfilons des chaussons de protection en vinyle bleu. Nous avons trois paires de gants. Personnellement, je n’utiliserai que la paire en coton blanc. Les autres gants sont en latex et destinés au maniement d’objets humides ou contaminés à l’intérieur des maisons ou dans les jardins. Nous passons le dosimètre autour du cou, il ne nous quittera plus jusqu’à la sortie.


JPEG - 346.6 ko
Zone interdite, ville de Futaba. Rien n’a bougé depuis 2 ans. 16 février 2013. (© Janick MAGNE février 2013)

Depuis que je connais les lieux, je me munis d’un sac en bandoulière bien pratique pour transporter mon compteur Geiger (lui-même protégé par deux sachets de plastique fermés) et mes appareils photos, au-dessus de ma combinaison blanche. Ce sac, je le place dans un sachet plastique au retour, et je le lave à mon arrivée chez moi.


JPEG - 410.4 ko
Partis sans laisser d’adresse ? Zone interdite, ville de Futaba, ça n’a pas bougé depuis 2 ans. (© Janick MAGNE février 2013)

Pour atteindre Futaba, nous traversons la zone.....

[la suite de l'article ici]

 


... Janick Magne expose, en mairie du 2e arrondissement de Paris, 50 clichés inédits, pris lors de ses incursions en zone interdite de Fukushima, entre février 2012 et février 2013.

Réalisée avec Minami Shimura, cette exposition photographique intitulée : « Dans la zone interdite de Fukushima » est en accès libre du lundi 25 au vendredi 29 mars dans le hall de la mairie du 2e arrondissement ...

(Source : http://www.mairie2.paris.fr/mairie0...)

Les commentaires sont fermés.