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  • Les mots d'autres que soi

    Les mots d'autres que soi sont un peu des inconnus que l'on tente d'apprivoiser, de dompter. Les mots d'autres que soi on les trouve parfois totalement idiots, cela arrive. Ils ne nous interessent pas toujours. On essaie de les éviter, on passe entre eux dans les gouttes de silence que les yeux laissent perler. Il faut bien, parce que tout le monde n'a pas la même appréciation du "mot". Lui est un cachot ou une prairie selon que l'on s'y interesse ou pas. Il faut des forces pour refuser d'être envahit par les mots des autres. Il faut savoir lutter à part soi pour se débarasser de leur emprise. Ce n'est pas très facile, pas aussi simple qu'on pourrait le penser. Non, il faut savoir ne pas entendre, c'est important. Quand les mots des autres sont salissants et ne vous offre rien d'autre qu'un reflet grisâtre sorti d'une mare de boue, il faut s'échapper. A nouveau grimper sur l'oiseau migrateur qui n'oublie jamais de passer par là et s'envoler au loin en écoutant les ailes de l'oiseau bruisser, simplement, entendre le doux murmure de deux ailes qui se frôlent. Bien écouter comment le silence s'établit entre deux paroles qui s'affrontent et se nient. Utiliser ce silence pour disparaître dans la nature comme si de rien n'était, ne garder aucune trace, aucun souvenir de la laideur : "Se souvenir des belles choses" sans garder rancune à la bêtise tenace de ceux qui n'ont toujours pas compris qu'on ne possède jamais ce que l'on a aimé.

    Non on ne possède rien de ce que l'on aime. L'amour, c'est passager, furtif, c'est là puis absent, c'est selon. L'amour ce n'est pas toujours, c'est parfois même jamais. Combien de fois ai-je aimé, des dizaines de fois, combien de fois ai-je oublié, autant de fois. Souvent la mémoire souffle le souvenir des absents sur les coeurs endormis. Souvent la paix envahit le coeur des endormis, comme s'il s'agissait de ne plus se laisser troubler par l'éphémère de ses désirs.

    "Feuille au vent mange un coeur de plomb pour rester sur terre encore un peu avant de s'envoler définitivement."

  • Des mots...

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    Des mots on en trouve à l'orée de ses rêves. Sur le bord ourlé de ses pensées, quand on suit bien le fil. C'est un peu difficile à suivre, la corde est raide. De nombreuses choses tentent de vous distraire, quand ce ne sont pas les choses, ce sont les gens. Ils vous parlent souvent quand ils n'ont rien à dire. C'est ennuyeux.
    Rêver est essentiel. Fondateur. Tellement important. Quand on ne rêve plus on s'assèche, on perds l'essence, on se délite comme des vieux troncs d'arbres pourrisssant loin de leurs racines. Mais continuer à rêver en grandissant est difficile, périlleux, tant les rêves sont des objets de convoitises pour certains, et pour d'autres ce qui est pire, des moments où ils peuvent tenter d'accéder à votre inconscient. Vos rêves deviennent alors dangereux puisqu'ils trahissent vos pensées profondes et c'est à partir de cette trahison que la manipulation va pouvoir commencer. Donc méfiance. Parce qu'il y a des spécialistes, des maîtres es manipulation.

    Des mots, on en trouve dans chaque histoire, dans chaque rencontre, dans chaque fusion. Des mots voyageurs, libres, des mots teintés de ciel bleu ou de gris, cela dépend. Rêve, cauchemar. C'est à chaque fois la vie qui reprend son chemin en nous traversant. A chaque trajet sa couleur, son identité.

    Des mots on en trouve un peu partout, dans les yeux des autres, dans leurs mouvements. On en trouve beaucoup dans l'amour, des mots. Ils fleurissent spontanément sur les sourires et les gestes tendres. Les mots se marient entre eux, se délaissent aussi parfois comme des jouets un peu cassés, un peu abîmés par le temps qui les a couvert de poussière. Les mots s'aiment et se rejettent. (un peu d'embruns dans la pupille et c'est la marée qui s'annonce débordant de son cadre littéraire, envahissant votre espace, saccadant vos phrases, taillant dans vos mots justement des largesses insoupçonnées). Je pourrais dire qu'il s'agit d'un peu de délire dans les mots justement. Mais non. On aime trop quand les mots s'envolent pour leur interdire de voyager dans tous les territoires...

    Des mots on en trouve dans la nature, autour de soi, dans les paysages qui sont les tableaux qui nous entourent. On entrouvre des portes secrètes un peu partout. Des mots on en mâche et remâche parfois, parce que dire "pardon, je t'ai oublié" n'est pas à la portée de tous, même en murmurant.

    Des mots, on entrouvre les autres, on entrouvre des secrets, des fils conducteurs, des trajets intérieurs. Des mots qui nous font rêver, qui nous font pleurer, qui nous font sourire, ou rire. Des mots dans les larmes pour qui vit en silence...

    Parce que le silence est la part de nous mêmes qui refuse le langage, la part de nous mêmes qui veut "être" simplement là en dehors du langage qui pourrait la décrire.

  • Les maux d'autres que soi.

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    Dans l'autre une présence descellée. Un jeu d'absents. Dans ses regards, des ombres en fuites longent le sol de ces profondes pupilles. Des mares troubles où se lisent tant d'incertitudes. Je m'intéresse à l'autre, dans ces mouvements, je lis, devine, un roman de désirs. Je me tais, prudente. On ne sait jamais ce que disent les mots d'autres que soi. C'est éculé. Mais on ne sait jamais à quels maux les siens s'ajoutent. Dans les mots des autres, il y a d'autres présences que je ne connaîtrais jamais, que je devine seulement, planqués à l'affût, prêt à dégainer de vieux grimoires où leur histoire s'est écrite avant que l'autre ne naisse. Bien longtemps avant. Dans le passé.

    Je me retourne pour voir quel genre de miroir déformant je porte sur le dos. On ne sait jamais dans quel marigot les autres se planquent pour vous observer. Là je revois le visage d'une grand-mère, rousse comme une méduse. Je cherche le grand-père mais dans les fumées des gaz de 14, je n'entrevois qu'une silhouette courbée, c'est Bardamu, le héros de "Voyage au bout de la nuit". J'ai toujours vu mon grand-père ainsi parce que le jour où j'ai entendu l'histoire de sa mort, je lisais Céline. En réalité, j'avais tout confondu il est mort à la suite de la seconde pas de la première guerre mondiale, sinon ma mère serait centenaire. J'étais enfant et j'avoue que les dates n'étaient pas mon fort. Ca ne s'est toujours pas arrangé...

    Les mots des autres sont pleins de passé, pleins de visages disparus, pleins d'ombres errantes. Les mots des autres sont comme les miens tantôt lumineux, tantôt sombres. On les sort de la pénombre ces mots, on les dépoussière pour les présenter aux autres, on les offre comme des visages de soi, mais l'on se sait parfois multiples, à facettes, traversés d'ombre et de lumière.

    Les maux des autres se voient souvent dans leur langage, dans leurs écrits, même dans leur corps aussi. Mes maux se voient dans mes écrits, dans mon langage, parfois même dans mon corps. Nos maux sont visibles jusque dans nos mots. C'est éculé mais cela se sait, se voit, se ressent. Nos maux se voient aussi dans le silence, jusque dans le silence. Le silence est un mal qui se retient, un non-dit qui se contente de lui-même.

    Il est ce mot qui refuse la parole.

  • Fleur d'hiver

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    On ne parle pas quand on a rien à dire.
    Ca fait désordre tout ce silence.
    Ca fait silence.

    On ne parle pas dans le silence.
    On écoute simplement.
    Qui a encore quelque chose à dire ?

    Non pas quelque chose. Quelqu'un.

    Le silence à sa voix particulière. Une voix profonde et souterraine, emplie de cailloux, de graviers et de branches. Le silence est une rivière en crue une nuit d'hiver pluvieuse aux prises avec le vent.

    Dans l'obscurité une surface luisante révèle sa présence. Avec lui, la nuit s'étend plus libre, plus profonde. Seuls des silhouettes d'arbres dénudés, masses sombres dans le lointain chantent gravement. Une pluie battante, un vent tourbillonnant, des feuilles emportées, des branches cassées. Il semblerait qu'une tempête se soit levée.

    Mais personne ne parle autour du feu à l'intérieur des maisons. Les volets sont clos, les rideaux tirés. On écoute simplement résonner l'orage, tourbillonner le vent, se déchirer les arbres alentour. On a certainement rien à dire. D'ailleurs le dire ici n'est pas très répandu. Il est silencieux l'homme qui regarde le feu quand sa femme vaque alentour. Le grand arbre souffre, gémit mais ce n'est qu'un arbre car les hommes d'ici connaissent le son de la voix qui s'éteint un jour et que plus personne ne rallumera. On ne parle pas. Et après on ne parlera plus. On laissera tomber la pluie battante de la vie qui continue avec ou sans soi. On ne s'occupera plus. On regardera à peine. La vie d'ici est une vie de peine qui s'obstine à venir cogner aux carreaux.