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  • Toujours à la recherche de....

     

     

     

    Leurs regards se croisaient, s'évitaient parfois, plongeaient l'un dans l'autre, avidement.


    Ils partageaient cette exploration comme une respiration commune. Préparer avec précisions minutes et secondes comme ombres et contours, choisir couleurs et textures, délaver rapidement les moments de doutes, d'interrogations, jeter le flou. L'artiste affûte ses mines. Elle observe, patiente, les signes extérieurs, savoure les palpitations arythmées de leurs coeurs qui se croisent comme des passants pressés au détour d'un couloir encombré. Collision rapide, brutale, explosion hâtive. Accentuer les tensions, mener l'ensemble vers son point de rupture.

    Le soin avec lequel ils s'envisageaient les impressionnait parfois.


    Le vertige les prenait à l'idée de se perdre avec autant de constance. Lucidité en arme déployée, prête à détruire, sur le fil d'une tension presque devenue folle, alternant exécutions sommaires, évanouissements, contacts légers, elle choisissait seule le nombre de pas à effectuer, les directions à emprunter, celles à bannir. Assistant au dérèglement des sens, à la destruction des illusions, elle savourait les effets de son exigence, celle-ci menait vers un territoire encore inconnu, où la raison, il le pressentait ne pourrait s'exprimer. Au dernier moment un demi-tour léger redonnerait la liberté aux deux protagonistes de ce discours amoureux, stupéfaits de ressentir à nouveau leur solitude après ces quelques heures de recherches intenses, un peu ébahis de se retrouver aprés s'être tant perdus. Dans leur quête ils ne se perdaient jamais vraiment. Leurs yeux ne se quittaient pas. Le mouvement de leur corps agissait de concert. Un pas qu'elle initiait était immédiatement suivit du sien. Aucun geste n'échappait à sa perspicacité. Chaque  seconde était emplit de leur présence commune. Une présence telle qu'il lui fallait aprés chaque séparation déployer des trésors d'adresse pour ne pas ressentir l'immense désert qui suivait son départ. Désert de sens que l'existence devenait sans lui. Désert d'absence où le vent irait hurler sa douleur. Pour ne pas ressentir cela, elle devait lutter. Combattre. Remporter était son seul but, son unique objectif. Et cela fonctionnait. Vaincre sa passion. Vaincre et dominer cette relation passionnelle. En faire une histoire, empêcher les flammes d'envahir son territoire, son intimité. Vaincre et remporter la victoire sur elle-même, remporter la victoire et triompher à demi-mots, dans l'ombre et l'obscurité de ses désirs sacrifiés. Dans la pénombre se réjouir de détenir les clés de sa propre compréhension, les clés. Ne plus être le jouet de ses désirs, en devenir le maître. Dominer ses passions. Plaisir intellectuel s'il en est. Celui-ci se révélait être de premier choix. De première catégorie et ne souffrait pas la médiocrité des sentiments.

    Elle ne l'aurait pas supporté.

     

     

     

     

     

     

  • L'amour des reflets.


     

     

     

     

     

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    (Que se passe t-il pour ceux qui aiment les reflets? Qui aiment s'en nourrir?)

    Lui est un reflet. Il est au temps présent le reflet d'un autre, au temps passé. Le regarder c'est se mirrer dans une image étrange... Au gré du courant, son visage se déforme. Il laisse entrevoir la patine de l'autre abimé par le temps, oublié, transformé, idéalisé, recomposé. Je fais pause un instant. Je me mets à réfléchir. Je ne regarde plus vraiment. Je vois autre chose; je vois autrement. Je baisse les paupières pour mieux saisir cette perspective. Avant. Arrière. Aller-retour. Toujours fuyant, tournant de l'oeil à chacune de mes avancées... Le fugitif tente à nouveau de se dérober. Mais je tiens, bien décidée à ne pas me faire avoir une autre fois. Un jour je me souviens, il s'était fait oublier. Habitué du jeu de la souris et du chat, il m'avait eu à l'usure. La pause était trop longue. Je m'étais endormie un instant. Il en avait profité pour s'éclipser. J'étais repartie dans mes pensées. Là c'est non! Je tiens. Il ne m'aura plus. Je le vois, le cherche, le trouve, ne le lâche plus. A ce jeu je me sais attendue, j'aiguise mon attention. Tranquillement je déroule ma pellicule. Il apparait enfin dans le champs. Et voilà je le savais. Il n'a pas résisté. Un. Et puis deux. Je suis là. Observant, attentive, le moindre de ses mouvements... Guettant le moment où il tenterait une échappée pour mieux triompher à part moi-même, tirant la langue au coquin de sort qui m'a faite si distraite et reprenant en main nos deux destins, inévitablement, immanquablement lié. Il joue de son charme, tente de m'envoyer promener. Je résiste. Je reste là. Je continue à observer. Il ne sait rien de tout cela. J'imagine qu'il peut difficilement comprendre ce que je fais en le regardant. D'ailleurs il doit s'étonner de ces longs regards fixes... qu'il me rend pourtant. Je continue à fixer mon attention sur lui. Rien ne m'échappe, de la tension soudaine des traits de son visage au relâchement suivant, rien ne s'échappe de mon regard. Il y a que je ne sais pas faire autrechose que rêver en le regardant et je veux comprendre. Je suis fascinée et je veux savoir ce qui déclenche ce processus. Je suis entièrement absorbée par sa présence. Le moindre changement de lumière, la plus petite parcelle de silence est retournée, interrogée, decrite. Je veux comprendre. Je veux savoir. Mon  corps est devenu un grand livre sur lequel j'écris. Je note mes observations. Les sensations qui naissent sont mes canevas. Chaque fil se tend, la toile est nouée par l'émotion, par les tensions aussi. L'atmosphère s'électrise au moindre contact. J'écoute, je respire, j'entends, je fixe lentement toutes ces sensations à l'aide du vernis de la mémoire. Je ne me refère plus à ce qui se passe autour de moi, mais seulement à ce qui se passe à l'intérieur. Comment ce type d'apparence banale, au visage peu gracieux, à la démarche lourde, peut susciter autant d'interrogations? Comment puis-je me laisser fasciner sans réagir de manière éfficace à ce piratage? Mon esprit est détourné, la matière disparait sous la lumière diffuse d'un spectacle hors du commun, le mélange des images. Ce que je vois n'est plus ou en tout cas tend à être remplacé par ce qui fût. Et ce qui fût m'obsède. Invariablement, il m'arrive de ne plus répondre à rien. Tant cette image est envahissante, car la présence mêlée du  souvenir et celle de la vie (lui tout prés)  à laquelle je ne participe plus vraiment est bouleversante. C'est ce qui je crois me fascine le plus, en dehors de la personne qui déclenche cette sorte de mécanisme étrange, ce voyage intérieur. Cette lente exploration du tissu mémoire, cette lente immersion dans l'invisible. Les fils se tendent avec une odeur, un geste, un mouvement, un son, une musique. De petites aspérités en éclats de lumière ressurgissent des millions d'informations... se recompose le souvenir en surimpression. Illusion de ne plus être là. Trop envahit par ces sensations pour être présente, parmi les autres. Décallage systématique contre lequel il faut lutter, avec lequel il faut surtout composer. Qui donne matière à écrire en notes mal rédigées, toutes ces impressions dont nous ne sommes pas maître et qui nous fascinent par leur richesse et leur abondance.

     

    Mais je suis la seule à savoir et à comprendre que cette alchimie qui nous lie, est la corde qui nous étranglera bientôt. Car nous ne sommes pas ce que je vois, ni ce que je ressens, même s'il me plaît de le raconter avec ce ton. La réalité ressemble à un vieux film en noir et blanc. Son regard n'est autre que froid, et mon corps n'est qu'une croix de chair clouée à son désir. Pauvre papillon au regard flou, aux mouvements rapides et fluides. Je sais ce que je vois dans son regard. Et ce n'est pas une chose qui fait envie.

     

    Il faut bien l'avouer, toutes ces années je cultiverais un jardin emplit de plantes vénéneuses.

     

     

     

     

     


  • Affleure.

    Affleure :

    Ebauche de sons, de mots, de parole ou d 'écrits.

    Fragilités révélées, dîtes, décrites, racontées.

    Déséquilibre calculé.

    Sur la ligne toujours....

    affleure la faille,

    à fleur d'obscurité.

    Son ombre fait frissonner l'air quand elle apparait. Le jour en transparence lui redonne son innocence. La nuit l'emplit de voiles sublimes et parfumés.

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    Qui est-elle? se demandait-il toujours en la regardant marcher vers lui.

    "Elle n'est déjà plus. Elle traverse l'espace légèrement, décidée à ne plus déranger l'ordre naturel, minéral de ce qui l'entoure. Elle agit en âme solitaire, ayant rejoint depuis de nombreuses années un royaume imaginaire qu'elle nomme "le royaume des immortels".

    Elle est elle-même / la dernière / à quitter le monde / réel /  pour rejoindre celui qu'elle a rêvé puis créé, inventé, déssiné, sculpté des ombres, extrait du silence avec patience."


    Heure de pose.

    Il croit l'entendre. Il se demande toujours par quel phénomène étrange son silence à elle est un langage à lui seul.

    Le royaume des immortels?!

    Les délires les plus invraisemblables prennent place dans son esprit à la simple évocation de cette femme. Elle possède le don inhabituel de susciter d'étranges interrogations. Il remarque avec la même constance son allure irréelle. Il ne peut toujours pas détacher son regard de quelques détails qui sembleraient à tous insignifiants.

    La fascination pour la couleur de sa peau, le galbe d'une épaule, la blancheur d'un creux prés de la gorge. Son regard flou à certains instants lorsque ses yeux se posent un peu trop longtemps...

    C'est étrange se dit-il parfois. Cette impression de miroir qu'elle me renvoie avec la même régularité. Elle joue mes expressions, se cale sur mes pas, copie le rythme de mes mouvements. Par certains instants je lui mettrais bien une paire de giffle. Elle m'énerve, le sent, s'éloigne. Elle rit. Ah ça! Je crois que rien n'est plus agaçant que son rire! Il n'y a pourtant pas de quoi rire. Je ne comprends rien. Plus rien du tout. Je me demande même ce que je fais là.

    J'ai envie de partir là. C'est infernal!

    "Apparemment, mon sujet d'étude est furieux... Bien entendu je sais ce que cela fait d'être épiée, regardée constamment, observée, suivie. Bien entendu je trouve cela aussi désagréable que lui. Mais enfin....je pense qu'il a le droit de connaître cette... sensation :

    _c'est bien la moindre des choses! "

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  • Courbes finissantes.

     

     

     

    medium_collage1-4.4.jpgPose pour courbes finissantes

    Je t'inspire de drôles de choses dis? Non?

    Mais non. Tiens toi droite. Ne bouges plus.

    Voilà c'est terminé. Il range son matériel, la séance est terminée.

    Par la fenêtre un arbre en fleur. Printemps-Eté 95. (Collection "souvenirs")

     

    Conversation

    Elle: Et s'il n'y avait pas la vie de l'esprit?

    Lui: On s'ennuierait, très certainement.

    Elle: Ah.

    Oui tu as raison. J'imagine tous ces corps occupés à satisfaire leurs pulsions. Ce serait chiant, tu sais.

    Lui: Oui affreux.

    Se disant elle ouvrit une anthologie de poésie française, après quelques secondes elle releva la tête et dit.

    _"Que crois-tu que tous ces gens auraient pensé de cette époque...?"

    _"J'imagine qu'ils l'auraient détestée tout autant que nous."

    Par la fenêtre le magnolia en fleurs, les pétales au sol, le pépiement des oiseaux, un rayon de soleil, l'éternité en cours de réalisation. Avec si peu, le ciel et la terre produisaient leurs miracles quotidiens, un sentiment d'admiration l'emplit face à ce qui échappait encore aux mains humaines.  Et une envie soudaine de se dissoudre, de s'évaporer, de retourner à la terre, lui fit penser à cette suite imaginaire...

    _"Que souhaites-tu dîner?"

    _"Je souhaite me nourrir de l'air du temps. Cela ne te déranges pas j'espère."

    Ils auraient rit alors.

    Reflet dans un oeil noir.
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    Lui: "Alors je l'ai regardé. Je l'ai regardé me regarder. Le flash de l'objectif a percuté sa pupille. Les miens sont restés ouverts. Je suis habitué. Je suis photographe. Pourtant, j'ai cherché un sourire dans ses yeux."

    ("collection souvenirs") Printemps-Eté 1995.

    Autre moment : _ "Il me semble avoir oublié une ombre. La mine grasse glisse sur le papier, accroche parfois une aspérité puis reprends son crayonnage minutieux. Le modèle s'ennuie. La dessinatrice se demande si elle ne va pas le perdre du regard. _Ne bouge plus. Tiens moi cette pose bon sang! Elle s'énerve un peu. Le rouge de la sanguine lui couvre les doigts. Elle combat l'envie d'abandonner, puis se ré-attache à la courbe d'une hanche, au muscle d'une jambe. Le regard narquois du modèle ne lui a pas échappée. Elle choisit de l'ignorer."

    Lui: Ce regard fixe...qui n'évite jamais....droit....me fascine. J'essaie de m'échapper mais c'est comme si une force invisible me retenait, me commandant de ne pas bouger, de la laisser voir. De la laisser regarder à travers ces troubles reflets de l'âme ce que je suis, qui je suis ou bien qui je ne serai jamais. Elle oscille entre le désir de m'interroger mais se tait obstinément. Cette bouche fermée et ces yeux fixes ont une sorte de charme dans lequel je me perds aussi simplement que si nous n'étions qu'une seule et même personne.

    Elle: Merde! Tu as bougé. Un flot d'insultes amères et sinistres  sort de ses lèvres comme un flot ininterrompu de récriminations qui dans ce cas, elle le pense sont parfaitement justifiés. Merde! Merde! Et merde!
    C'est vraiment impossible de faire poser un taré de ton espèce. Allez lève-toi, rhabille toi! J'ai autrechose à faire. On verra ça un autre jour!