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  • Si je pouvais, je t'écrirais.


    podcast
     

    Tellement de mots cachés sous la pierre des instants précieux, tant de mots qui affleurent au point des blessures, fâchés de devoir se planquer dans l’obscurité.
    Il serait si simple d’ouvrir les abcès du silence avec la pointe de l’arme.
    Rien ne l’empêche, pourtant...
    Pourtant, je continue à me taire, à additionner les pages blanches entre nous, les longues plages de silence.
    La peur de te voir disparaître m’impose ce silence : un silence blessé par la pointe des mots retournés.
    Si je pouvais, vraiment je t’écrirais.
    L’arme est un langage qui se dit comme il s’écrit sans fard aucun.*
    L’arme a l’acier réfléchissant, la pointe tranchante, le gris clair.
    Elle se passe de commentaire va où l’essentiel l’appelle.
    L’arme est ma passion secrète, mon amie de toujours. Pourtant, face à toi elle ne m'est d'aucun secours, elle gît, inerte; dans son écrin de silence obstiné.

    *langage déssiné

    dit

    écrit

    sans fard aucun.

    corps nu . mot . pierre délavée. corps. mot. nudité. 

    J'ai toujours écrit avec la pointe de la pierre contre le sol dur. J'ai toujours écrit avec les doigts abîmés de s'être frotté contre les murs. J'ai toujours écrit les dents serrées contre la langue mordue. J'ai saigné avant d'écrire. J'ai toujours saigné d'écrire. J'ai souvent mordu la pierre pour en éprouver le goût. J'ai parfois léché la pierre pour le sel. Et souvent j'ai mangé des mots à la place des aliments, aimé des mots à la place des êtres, rêvé des mots avant d'aimer le silence. Des mots pour des choses, des êtres, des mots en place et lieu de ce qui existe et puis parfois j'ai réalisé que les mots étaient des corps aussi. Les mots pouvait s'habiller et se dénuder. Les mots pouvaient trembler et se cacher. Les mots pouvaient rire ou sourire, aimer ou pleurer. Ils avaient la capacité de se flêtrir et de disparaître. Ils étaient parfois trés laids, à d'autres moments gracieux, légers, aériens, envolés, planants... Devant toi je ne sais pour quelle raison ils se dérobent obstinément, ils sont lâches, ils se planquent les uns derrière les autres comme des fautifs ou des coupables, peut-être craignent-ils leur force, leur pouvoir, celui qui interrompt ton souffle, qui suspends les battements de ton coeur à une ligne, une phrase, une virgule, une intention devinée, suspectée. Est-ce de se savoir lus qui les effraient, de se savoir tant écoutés, tant attendus? Sont-ils devenus si discrets qu'il faille se pencher pour les entendre parce qu'ils murmurent au lieu de dire?

    (Vraiment si je le pouvais je t'écrirais.)

     

     

  • Ecris en silence I

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    Ecris, n'écris plus, ecris puis plus.
    Ecris en silence, écris le silence.

    On n'aime pas le silence.
    On n'aime pas l'absence.
    Pourtant on écrit dedans.
    En dedans, à l'intérieur.
    Contre les parois fermées du souvenir.
    On gratte des morceaux de temps à mettre en mouvement

    Des morceaux d'antan à ré accorder.

    L'accent voyage. La virgule aussi.

    Contre la trame visible, la phrase saisie, pantelante, démembrée, frappe l'intérieur du verbe, aspire des courants d'air glacé, expire des clameurs, abats les portes réels ou irréels.

    Donne la voix, fais résonner, sonne, et appelle encore, les cloches défoncées, les poupées scellées, les arbres couchés. Une porte abattue frappe les blocs disjoints d'un perron d'église, crissent les graviers contre le verre des pupilles écartées.

    Les paupières se soulèvent.

    Regarde.

    Noir. Bleu. Nuit.

    Arpente les allées du souvenir.

    (Ecris en silence).

  • Ecris en silence II

    Tu vois une porte dont la peinture s'écaille. C'est elle qui vient de s'abattre sur le front, sur le perron. (Je sais on ne dit pas le front pour le sol, pourtant il est blanc, lisse comme ton front là. Que je regarde maintenant. Sur lequel j'envoie mes yeux rêver, se poser en papillons discrets). Tu voudrais comprendre. Pourtant jamais je n'expliquerais ce passage du temps entre nos lignes, cet arrêt brutale, cardiaque, désordonné. Je vais faire quelquechose que tu ne comprendras jamais. Je vais ouvrir la porte de ce temps, ouvrir la porte et tu ne verras rien d'autre qu'une lumière blanche qui te sembleras être la couleur même de l'air. Tu essaieras de respirer. Mais de ton visage convulsé tu n'obtiendras rien d'autre qu'une lamentable grimace. Je sais ça parait fou dis comme ceci...Mais attends un peu et tu verras ce que le Temps fait à ceux qui essaient de l'arrêter. Il les envoie respirer sa poussière, sa craie. Respirer de la craie. Ca parait fou dis comme ceci. Mais tu vois bien que dans ce poéme les portes s'abattent et les pupilles crissent, rien n'est vraiment normal ici. C'est l'oeil du temps. Celui qui nous observe constamment, celui qui juge et frappe,  condamne et emprisonne dans ses filets, nos corps convulsés. 

  • Rencontre sous-titrée

     

    (A celui qui ne lit pas.)

     

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    Des heures de silence. Des heures et des heures de silence complet. Des heures d’absolu silence. Pas de mots, pas de paroles. Un silence plus.... Des heures et des heures de silence. Du silence et rien que du silence. Plus de mots, plus de paroles, plus de pensées, plus d’existence de cette sorte. Plus de mots, plus de paroles. Plus rien d’humain dans tout cela. Du silence et du silence. Pas de mot. Pas de mots. Aucun. Pas un souffle qui ne murmure une parole. Parole pourquoi ? Pour dire ? Dire quoi ? Ce qui ne se dit plus. Ce qui ne se dit pas. Qui n’a pas d’autre existence. Que le silence. Dans ce silence. Il y a quelque chose que personne ne peut voir, ne peut prendre, ne peut voler. Dans ce silence il est une chose que personne ne dérobe et qui en soi ne se dérobe pas. Le silence ma belle est ce qui conserve par delà tout. Je te le dis à toi parce que tu es la seule à le comprendre. Si tu te souviens nous partagions nos silences. C’était un don ce silence. Un don de l’une à l’autre. Un don. Lui aussi il partage mes silences. Et c’est le plus beau et long moment qu’il m’ait été offert de vivre. Des silences en sa présence. Je suis là et je le regarde. Suis-je là ? Vraiment je ne le sais même pas. Parce que ses regards me frôlent.

    Parce que ses mains volent autour des choses, les effleurent à peine. Et je suis regard. Uniquement cela. Un long, très, très long regard. Je me demande qui il est en le regardant toujours. C’est étrange mais je ne peux pas détacher mon regard de ce corps qui me fait face. Je dis corps parce que je n’ai pas d’autre mot pour lui. Il ressemble à un homme mais parfois je te retrouve dans ses gestes. Alors toi... Tu peux comprendre cela ? Moi je ne me comprends plus. Je disais. Disais-je seulement ou bien étais-je en train de rêver ? Vraiment parfois je dois me forcer à parler encore. Je n’aime pas cela du tout. Qu’ai-je à dire ? Rien vraiment rien. Ou bien te dire.... Te dire seulement les phrases que je connais, dans ce langage que je connais. Celui qui est écrit mais pas dit avec la bouche. Dit avec les mains qui jouent sur les touches de ce matin qui se lève. Ces cieux qui se découvrent comme il découvre les traits de son visage...Devant moi. Pour me laisser lire à moi seule les pensées qui se dessinent. Je le regarde mais j’hésite toujours à parler. Il est tellement beau ce silence pourquoi le briser...

    Le son de ma voix, je l’ai oublié. La sienne emplit l’air. Mais je n’entends pas les mots. Je distingue des sons. Je reconnais des mots, des phrases. Il parle de ce monde je crois. Parle ou bien décrit. Peut-être voudrait-il dire quelque chose mais je ne le crois pas...

    Je ne connais pas l’odeur de sa peau. La forme de son corps je la devine.
    La chaleur de ses mains, je l’imagine. Mais je ne vais pas oser. Il est trop prés de moi. Trop proche pour que cela ne me trouble pas. Je le suis assez comme cela. Je tremble ? Non, je supporte la tension l’air de rien. Comme une enfant je fais semblant. Mal je le sens. Laborieux. D’ailleurs tu sais, je ne sais pas qui il est. Je viens de le rencontrer. Mais dans cette foule, je n’ai vu que lui. Etrange que je n’ai rien vu venir. Etrange que je ne me sois pas plus méfié. Je suis méfiante tu sais. Méfiante car _ je connais assez les dégâts et les catastrophes que ce genre d’histoire idiote peuvent produire (1). Je me méfie alors tu sais j’évite les hommes comme on évite les arbres en pleine nuit. Au hasard en découvrant une forme plus noire, plus haute. Avec tout ces sens de petit animal en éveil. Pour ne pas chuter dans les bras d’un inconnu. Pour ne pas choir blessée dans un coin de sa propre vie. Pour ne pas vivre cet amour qui déchire et qui déchaîne en soi les affres de la passion. Parce que cette passion...Je me suis souvenue...Elle m’a brisé une fois. Je ne veux pas la recommencer. Alors je m’éloigne. Gentiment, l’air de rien. Comme s’il allait se passer une chose grave qu’il fallait à tout prix éviter. Et je lis les philosophes latins.

    Ah "les consolations" de Sénèque ! Je les lis et relis comme une pauvre âme à la dérive accroche ses dernières forces a un radeau. Tous les soirs, consciencieusement, je ressasse "Les consolations". Je les mâche comme une condamnée. _ C’est indigeste la littérature latine. _ Très souvent, je sombre dans le sommeil. Plus efficace qu’un somnifère ! Mais je sens, jours après jours et cela malgré des efforts surhumains, que je suis en train de couler. Ses yeux sont trop doux, bien trop suaves pour rivaliser avec tous les moralisateurs de la terre. Ils m’emportent et là la lutte devient acharnée. Heureusement je suis forte. Ouf ! J’échappe de justesse au naufrage. Des avances lui aurais-je fait ? Impossible. Je m’interdis _ tout recours à ce genre de tentative. Les aurait-il refusées ? Très certainement.