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Sédiments_Avant-Garde_© - Page 246

  • Eaux.

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    L'eau dort mais c'est un semblant de sommeil

    En surface nulle ride n'efface la ligne souple des eaux en mouvement

    Nulle trace ne garde le souvenir d'un mouvement

    Nul moment autre que paisible

    Et tant de silence pour couvrir le reflet rigide.

    L'eau dort mais ensemble

    Eau mouvement tranquillité s'apaisent et se bercent


    Ensemble s'endorment les rives charnues aux lèvres closes.

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  • Comment ?

    Comment allez vous faire pour dissimuler ce monceau d'horreurs dont le souvenir vous hante continuellement?

    Il vous revient d'une lecture ancienne que du crime le pire des châtiments est encore le remord. Il tue c'est certain, vous poursuit malgré vous, ne vous lâche pas une seconde... La conscience voyez-vous est une des choses les plus difficiles à noyer. Une fois la lumière faîte rien ne lui permet plus de demeurer dans l'obscurité. Tout corps plongé...Vous vous souvenez de cette phrase...Archimède...Le bain...L'objet que l'on tente de maintenir dans le fond de l'eau mais qui, inéluctablement reprend le chemin de la surface. C'est un peu ainsi que votre conscience agit maintenant que vous savez.

    La lumière nous est à nous autres êtres humains essentielle pour survivre...Et malgré la bassesse de certains cieux nous ne pouvons nous empêcher de lever les yeux en attente du "grand-jour".

    Comment... est bien la question qui vous tourmente sans répit. Boire, voyager, vivre, rire, rien de tout cela ne vous détourne de vous même car c'est toujours vous qui chaque matin devrez affronter votre regard dans le miroir. Vous ne pouvez plus aussi aisément les années passant, les actes s'enchaînant, les mensonges et les compromissions aidant relever la tête, et vous affronter aussi directement que vous le faisiez autrefois.

    Mourir la conscience pure est un cadeau que peu d'hommes savent se préserver... C'est un honneur de s'offrir autant de respect et de considération vous le savez. Et cette seule phrase à écrire est un acte de torture vous le ressentez.
    Que reste t-il en vous qui n'ait été souillé vous demandez vous furieusement.

    Le dernier jour, le dernier souffle est celui que vous devrez vivre seul. Personne d'autre que vous n'aura à affronter ce moment. Vous ne pouvez l'ignorer malgré les distractions que vous vous offrez en guise de fuite.

    "L'homme vivant".
    "L'homme en fuite".
    Intermède.

    Pourtant vous continuez de nier... Vous dîtes : " moraliste" en entendant ces paroles. Vous continuez de nier. Malgré l'évidence, vous crevez de trouille. Je le vois dans vos yeux. Je le lis dans votre silence. Vous ne pouvez vous empêcher de vous rappeler ces soirs d'enfances où le sommeil était léger, où chaque soir vos yeux se fermaient sur une journée limpide. La nuit, sereine n'était alors que douceur...

    J'ai touché le point G de ce qui vous reste d'âme?

    Vos yeux brillent.
    Ai-je une chance de vous ramener à la raison?

    Je pourrais essayer....
    (Inlassablement....)

    "Récupérer ce qui peut l'être".

    Dérisoire?

    Croyez vous vraiment qu'une parole puisse l'être ?


    Moi je pense le contraire. Voyez vous j'ai une foi indestructible dans le pouvoir des mots...Je sais...Face à un coup de poing qui tait toute contestation, fait sauter les dents et vous projette contre le bitume, ce n'est rien. Je vous l'accorde. Sauf que...Le temps...Il fait son oeuvre. Un jour vient...avec les souvenirs, les remords, les regrets remontent à la surface. Et ce jour là rien n'est plus important que les mots. Car voyez-vous il y a des mots que l'on prie, que l'on implore...

    Vous pleurez?

    Attendez! Je n'ai pas finit de vous parler de vous!

    Ce dernier mot que l'on souhaite tous entendre dans sa forme la plus vraie, la plus sincère quand plus rien ne demeure d'autre qu'une âme en attente d'envol dans un corps perclu de "misères", ce dernier mot qui évoque toute la douceur de notre enfance, qui fait venir de vraies larmes de joie au bord des falaises des yeux.

    Vous le rêvez cet amour fou, si doux qu'aucune forteresse n'y résiste.... Vous l'avez croisé. Ces ailes vous ont effleurées, si douces....comme ces mains...à elle...on aurait dit des ailes....Vous vous souvenez?

    Vos mouvements brutaux l'ont effrayée, vous l'avez fait fuir, comme un lourdaud qui ne sait pas ou en tout cas qui ne comprend pas qu'on n'emprisonne pas les alizés, qu'on n'enferme pas l'esprit, encore moins cette femme.

    Il y a de cela si longtemps que votre mémoire peine à vous restituer les instants d'alors. Vous aimiez alors. Vous aimiez et rien n'aurait pu vous retirer cette certitude du corps. Comme si chacune de vos fibres avait bu la douceur de ses lèvres, s'était emplie de son odeur. Car la respirer c'était comme la faire entrer en vous, la happer, l'absorber entièrement. Vous souffrez car il est évidemment cruel de se souvenir de ce qui a disparu. Il est si difficile de se débarrasser d'un simple souvenir, la sensation du bonheur qui vous poursuit jusque dans le sourire rayonnant des autres. C'est un fantôme ce souvenir. Il a des formes variées. Il apparaît et disparaît au gré du vent, de la chaleur de l'air, de l'odeur. Un rien le provoque, un rien le tue.

    Après lui c'est comme si le désert avait mangé votre coeur, il n'y a rien. Plus rien autour, plus rien à l'intérieur. Ce désert est votre solitude. Et lorsque vous parlez j'entends ce désert, vos mots sont ensablés, le son de votre voix étouffée, vous disparaissez sous des kilos de sable. Votre corps, comparé à ce qui l'entoure, des kilomètres d'air froid, parait si petit, si insignifiant, que je ne peux que vous plaindre.

    Il relève les yeux.

    Elle tourne les talons, quitte la pièce et s'en va.

    Fin de la scène. (provisoire).

  • A Hole in the Wall

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    Le soir tombe. Est-ce bien le soir? La nuit? On ne sait plus tant l'obscurité ne nous a pas quittée de la journée : ce ciel si bas qui nous entoure de ses bras tombants et qui tente sournoisement de se frayer un chemin en nous depuis le matin! L'impression d'avoir eu la tête fermée à toute lumière depuis le réveil, étrange.
    Plus de hauteur, de profondeur, l'essentiel de notre ailleurs refermé sur lui-même.
    "Les sans ciel" privés de lumière, de cette hauteur qui fait oublier nos peaux de serpents. L'essentiel absent de nos esprits, parti, disparu, envolé. Comme s'il n'avait jamais été utile de préserver cet essentiel du monde alentour : les frissons de froids humides qui provoquent nausées, envie continuelle de vomir, peaux glacées au contact répugnant qui nous frôlent au petit jour quand décide de ne pas se lever, le jour; présents, si présents, tellement lourds.
    Le soir tombe ou est-ce la nuit? Difficile question quand je nous le rappelle le jour ne s'est pas levé, a continué de ramper dans la pénombre grisâtre, a serpenté lamentablement entre les bosquets du jardin, s'est frayé un chemin jusqu'à nos fenêtres, a oublié de soulever les coins du rideau, s'est finalement déversé presque lâchement, honteusement sur les tapis de sol. C'est un jour qui vient de passer et qui s'éteint dans le silence et la pénombre retrouvés comme s'il ne s'était pas déroulé. Etrange.
    Un autre oeil ouvert a sectionné le fil de ma pensée. Quel est-il? Celui qui nous maintient en éveil malgré l'incessant va et vient nauséeux. Je relirais bien la Nausée de Sartre mais je n'ai jamais su lire Sartre. J'ai toujours préferé Camus. Enfin je dis cela mais je les ai tout de même lus les livres de Sartre.
    On dit c'est un nouveau jour mais c'est le même jour qui s'ouvre continuellement, le même matin à demi-éteint. On dit c'est un jour nouveau mais rien ne se lève, tout rampe et quémande la lumière nécessaire à l'esprit. On dit bien sûr on dit. Mais on peut tout dire ici. Rien ne demeure de ce qui est écrit même pas ce sentiment d'absence du jour. (Lonely soul, radiohead.)

  • Un rêve s'épanouit

     

     
     
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    Le soir, ce rêve pâle, s'épanouit à l'entrée de la nuit.
    En secret coulent des torrents de lave...
    Contre la plante de nos pieds
    On sent la terre gonfler.

    Dans l'air épuré on peut entendre des millions de mots
    Renverser, parcourir le silence
    Envahir l'espace
    Saturer l'air d'un murmure continuel.

    Mot à mot engagé dans un combat de corps.
    Paroles en l'air résonnent ou mats, tombent au sol.
    Glissent et rampent à nos genoux, vont happant les chevilles, pour voir un peu plus haut, dans les cieux brûlés se déchirer des lambeaux d'atours.

    Poudres, ors, étages violacés.
    Empourprée l'eau cristalline dévale la vallée endormie.
    En nos tours retranchées les dernières lumières, sabrent en ponctuant de pluies sombres, la majesté de nos silences.

    La nuit a fait place au matin.
    L'aurore en déchirant ma mémoire s'est planté de cristaux d'améthyste.
    J'ai rêvé cristal, des cailloux gravant dans la chair des histoires de cieux merveilleux, mais le réveil était froid comme un reflet d'acier passant sur une pupille noire.

    Nuit. Quelle nuit!
    Il n'y a pas à dire : le cou déployé, porté, offert, dégorge et se rompt.
    Dégorge. Se rompt. Pas de deux en détournant l'axe rompu, dégorge d'eaux de silence, d'os de silence.
    Dévalent en cascadant, les rires cristallins d'une eau enchanteresse, découverte au creux d'une vallée enfouie.
    Milles murmures entreprennent d'exister dans le silence de la nuit. Milles impressions se notent en travers de nos gorges enfouies de souffles étranges. Le vent. La nuit.
    C'est porté au long de nos respirations qu'un manifeste se dit.
    Celui qui déclare sa flamme, petite encore, pour lui donner à l'air libre l'élan nécessaire. Celle qui montre ses dents pour offrir l'émail lisse aux langues de feu. Oxygène.
    Langage d'exil où les deux se trouvent, à tâtons, entre les murs.
    Comme si leur silence était né de ce langage particulier, où tout ce qui doit rester dans l'ombre du mot ne serait jamais désigné autrement que par l'évocation.

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    Ombres, quelles ombres?
    Celles qui oscillent autour des axes miroitants?
    Des miroirs brisés, des cristaux?

    Pourtant se réfléchit une drôle de lumière sur votre peau.
    Elle est blanche...à l'intérieur mangée au bord par une ombre. D'un regard on saisit le mouvement comme une marée lente envahit un rivage désert. Un visage flou, au loin disparaît. L'ombre saisit les bords retournés de ces peaux d'insomnies tendues, aux entournures serrées, engoncée dans leur costume de silence; entre les mots voyagent à pas comptés les mots des autres dans votre souvenir survivants.

    Fidèles compagnons de vos désirs de départ quand, dans la nostalgie, vous errez avec délectation, quand tout est détruit autour... Que reste t-il d'autre dans vos souvenirs, que des fantômes de bonheur en papier mâché, en papier tremblant au bord de vos yeux humides? Ce sont des mots, rien que des mots.
    Des amants vous gardez l'art de la rhétorique amoureuse, l'esprit, la flamme, mais il y a bien longtemps que vous avez oublié ce que le coeur peut délivrer à tout instant au contact de l'autre.
    Oui des mots toujours et encore des mots...
    Rêves, délires, exagérations, élucubrations de toutes sortes...Poésie feinte, inintéressante, larmoyante, pénible en un mot. La mémoire accrochée à un lambeau de souvenir, le vide autour, envahissant, à vous rendre fou, votre écriture à définitivement sombré dans la neurasthénie.
    Page blanche, couverte de signes informes, doubles sens et conjonction des contraires. Rien. Rien ne sortira plus de vous. Rien d'autre qu'un galimatia illisible dont forcément vous ne vous vanterez pas. Vous écrivez à perte de souffle, à bout de tout, au secours de votre "être" qui s"affaisse et se perd dans le néant. Vous écrivez à la recherche de bouées, de balises, de sémaphores dans la nuit qui vous entoure. Tout ce vide, ces cris de chouettes lugubres, ces armées de bestioles en lutte pour la survie, ça vous donne envie de dégueuler votre dernier café. Et surtout le vide, l'obscurité, le silence qui parfois vous étreint, se transforme en angoisse terrible, vous prend la gorge. Vous la serre, comme s'il voulez entrer en vous; vous envahir, vous engloutir, faire de vous une carcasse où le vent ira jouer ses symphonies funèbres avec des airs de ne jamais y toucher. C'est à dégueuler tout ce silence. Bien entendu il va falloir vous accrocher à l'idée qu'il y a un peu de poésie dans tout cela, si vous voulez continuer à vous répandre lamentablement dans les contretemps, sans rien vous dire d'autre. Il va falloir en trouver des conneries à débiter en tronçons pour trouver la balise, le sémaphore qui va vous indiquer que bientôt. Ouf. Le rocher n'est pas loin. Vous pourrez mettre votre vieux corps au sec, lui donner le temps d'éponger toutes les années d'emmerdes noires qui ont précédées. Ce moment béni où vous aurez enfin le corps sorti de cette océan d'ordure que l'on nomme : "la vie" et où vous pourrez enfin vous dire sagement, en souriant un peu, "tiens ça commence à ressembler à ce que j'aime".
    C'est la rançon destinée à ceux qui ont usés leur peau contre la sale vie, celle des gens du matin, du quotidien, de la rancune et de l'envie. Vous savez bien qu'ils n'ont rien d'autre à foutre qu'à balancer leur bile vénéneuse de tous les côtés. Ca pue, ça tâche, c'est comme le gros rouge, un truc de dégueulasse. Il n'y a rien d'autre à dire. Vous savez tout cela mieux que personne. On vous a prévenu. On vous l'a écrit, seriné, chanté, braillé sur tous les tons.

    Rien n'est rêve ici. Tout est chose. Va falloir vous y habituer!

    En levant les yeux au ciel vous vous dîtes que le reflet pâle et tremblant de la lune ne vous a pas quitté... L'ombre blanche, fantomatique que vous invoquez si souvent se perd dans les brumes déjà des nuages, vous la suivez du regard, vous aimeriez voyager à sa suite. Les trajets de la lune se perdent dans votre mémoire.

    La pluie tombe à travers votre regard. On dirait qu'elle lave le sol, l'air, le ciel. On dirait qu'une fois tombée cette pluie vous aura débarrassée de toute la saleté accumulée. Celle des autres toujours que vous prenez de plein fouet, celle qui vous encrasse les neurones, celle dont il est si difficile de se défaire : les mauvais rêves, les épisodes traumatisants de votre vie, les deuils encore une fois à faire, les désillusions dont on ne cesse de découvrir la profondeur et l'étendue... Rien. La pluie est tombée. Vous êtes assis sur le sol comme un pauvre homme abandonné. Vous vous accrochez à quelques idées, mais ce ne sont que des pensées. Rien de vrai, de réel, de concret, de vivant. Des mots à perte de vue. Sur l'horizon dansant, dans le rideau de pluie, par le vent chuchoté : des mots.
    Et quand vous en avez assez de tout ces mots qui à force d'exister seuls se baladent dans votre mémoire. Vous éteignez le son, enfouissez le tout sous un manteau de silence. Vous le portez toujours.

    Et ce toujours n'est pas de ceux qui vous trahissent, il est votre définition de la permanence, de cet état profond d'ennui qu'on ne saurait vous retirer sans vous arracher la peau.

    La lune tremble indéfiniment dans son ciel épinglée.

     

     

     

     

     

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    -"Vous pleurez?

    Ce n'est rien. Ce sont seulement vos yeux qui débordent. C'est la marée trés cher. Oui l'eau et la lune. C'est connu. Enfin d'habitude cela fait rire. Oui, rire. Aux éclats même. La lune, l'eau c'est une de ces histoires anciennes que les vieux gardent sous le coude pour charmer les nouveaux venus, les enfants, je veux dire. Vous voyez je sais tout. Enfin disons qu'il m'arrive de le croire...Cela dure très peu. Je me remets bien vite à considérer mon ignorance comme étant la plus grande. Vous vous souvenez de la phrase? "Tout ce que je sais, c'est que j'ignore" ou en substance quelque chose de ce genre. Je ne retiens jamais les citations ni même leurs auteurs d'ailleurs. J'ai finit par dire un jour que je préférais faire les miennes, tant j'étais en colère contre ces satanées phrases précises. Je n'ai pas de mémoire".

    -"Vous souriez?
    C'est déjà ça. Vous voyez les larmes c'est un peu comme la bruine ça finit par passer. Tout d'ailleurs...finit par passer. Y'a qu'à bien regarder la tronche des vieux! Ils ont finit par passer. Un peu comme le temps si on y regarde de plus prés. J'aime pas les vieux en vrai, ni les jeunes d'ailleurs. Je vous parle comme si vous étiez mon ami. Ca ne vous dérange pas? Non. C'est vrai? En fait, vous m'étonnez, vous devriez être mort depuis longtemps si je peux me permettre, mais bon, elle à l'air d'y tenir à la vie, votre carcasse.

    Oui je vous disais que je n'aimais ni les vieux ni les jeunes. Je sais c'est un peu bizarre. Mais vous savez, je n'ai pas peur de l'être...bizarre je veux dire. Comme c'est pas interdit par la loi, j'en profite. Vous souriez? Oui je sais je dis des conneries ce soir. J'ai envie de m'amuser. Je m'ennuie tellement. C'est rare vous savez de s'emmerder autant. Mais bon c'est de naissance, la vie m'emmerde, les gens me saoûlent, les animaux n'en parlons même pas : je saque pas. Oui je sais vous n'avez pas beaucoup de chance, vous, dans la vie. Faire des rencontres du genre de la mienne ça rassure pas. Je compatis. Sérieusement. Mais non, n'allez pas recommencer à pleurer. Je ne me moque pas, promis je ne me fous pas de vous".

    _"Je ne pleure plus. Regardez".

    Pour la première fois, il lève ses yeux vers moi. Ils sont noirs. C'est une manie chez moi de ne croiser que des yeux noirs. Ils sont beaux dis donc. Et puis, il a un joli sourire ce type. Il a une drôle de tête quand même. On dirait un pierrot triste. Un genre de Pierrot, pas trop fou j'espère, enfin ça a pas l'air. Mes yeux ont l'air d'être égarés dans les siens. Je le regarde trop il va s'inquiéter. Bon hop regarde ailleurs ma vieille.

    _"Alors racontez moi vous faîtes quoi de votre vie? Et puis d'abord commencez par me dire ce que vous faîtes là ce soir, c'est pourrit comme endroit. Bon ça pourrait être joli mais y'a la poubelle là. Ouais pas terrible la "bin". Ca pue un peu vous ne trouvez pas?"

    _"Non... Je n'avais pas remarqué. Vous savez, je ne me suis pas trop occupé de l'endroit. J'avais envie d'être un peu seul. Pour pleurer tranquille. Si vous voyez ce que je veux dire..."

    _"Je vous dérange, excusez moi je vais reprendre ma promenade. Vous savez j'ai pensé que ça vous ferez plaisir de parler avec quelqu'un. Pour vous distraire, vous voyez un peu de votre...chagrin. Comme il y a un casino derrière nous, j'ai pensé que vous aviez perdu  de l'argent au jeu. Ca m'aurait interessée moi vous voyez d'entendre les confessions d'un joueur impénitent".

    Il éclate de rire. C'est beau un homme qui rit comme ça. Je reste ébahie par son rire. Ca me ferait cent ans un rire comme celui-là... si je me laissais aller à rêver un peu... Mais non. Je ne rêve plus moi. J'ai plus le temps. Je les ai mangé mes rêves pour tenir le coup.

    Je me tourne face à l'océan. L'horizon est tellement courbe, avec cette belle lumière de voix (e) lactée au centre. J'ai envie de contempler l'océan, d'entendre le bruit des vagues , du vent. Il se lève. Il s'en va. Je le regarde partir vaguement. Je reprends ma ballade.

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    Bleu fragile,
    Bleu facile,
    Bleu de ciel entoilé nuageux, voyageur, rêveur
    Bleu de tant de d'ailes, absolument renversées,
    Erre entre les mots des vivants,
    la paix des absents.

    Le silence détonnant dans un bleu parsemé de graines de nuages, que certains auraient envie de planter un peu tout autour de ce bleu si paisible. Passible d'entraîner nos iris dans un fondant de chocolat, de crème caramel. Bleu pour peintre, bleu pour fous de liberté. Bleu pour délirant drogué d'oxygène. Bleu entraîné pour un décollage définitif. Au dessus des nuages, voyage l'image projetée de la terre dans son halo bleu.

    Bleu gracile. Voyage facile entre les nuages, entre les moments d'absences calculées : sur le fil où le moineau en équilibre tient ses jours au dessus du vide.

    Des milliards de bulles d'airs flottent autour.
    Il en gobe une, léger, entre les repas...

    Quelqu'un m'oblige à lever mon objectif vers cette fenêtre jaunie où deux mésanges se tiennent l'une à côté de l'autre...Prés de Georges en Bataille, son dernier nid. Imbécile! Le carreau est brisé. Les moineaux sont figés. C'est sale, laid. J'aurais du simuler un mal de poignet. Je ne me souviens plus du reste de la scène. La rue qui descend, à pic, la cathédrale immense derrière nous, les volets bleu-gris peints après sa mort.

    Ces cons! Ils veulent tout conserver! Certaine qu'en entrant ils ont laissés pourrir un morceau de pomme pour faire plus vrai, sur la table miteuse qu'il a fallut repeindre ou remplacer par une plus propre....depuis sa mort. Il est mort quand au fait? Il y a longtemps, bien longtemps. J'ai envie de vomir mon quatre ou mon dix heures. Ca pue la mort et l'embaumement. Il n'est plus là. Plus aucun de ceux-là n'est encore vivant. Max jacob prés de ce prieuré où il avait trouvé refuge quelques années avant d'être condamné par les "monstres" de son époque, écrivait de petits textes sur des joueurs de dés, des moineaux, des mésanges....En attendant la mort. Bataille allongé non loin de cet immense tombeau qu'est la cathédrale regardait passer les mésanges. Et Bousquet, ignoré, pillé, enfermé dans une autre de ces chambres d'où il transformait son lit en immense vaisseau toutes voiles dehors...

    Morts.

    Rien ne se perd ici tout se transforme. La merde en or, les cons en experts fouilleurs de tombeaux. On retourne bien la terre pour y planter de jeunes graines pourquoi ne pas recycler les lambeaux de nos mémoires accrochées à quelques lignes de texte où se tiennent encore droites nos âmes en attente d'envol.

    Mais il y a... survivent, subsistent, s'accrochent, transparaissent, éclairent, trouent l'obscurité, des paroles qui sont impossibles à nier, impossible à raturer même en tirant dessus avec un flingue, des textes inscrits dans le marbre de nos mémoires collectives. De vrais, de probes, d'intelligents et d'indestructibles textes, de ceux que l'on ne touche plus, que l'on ne modifie pas, qui sont des fils d'aciers conducteurs de hautes pensées, de nobles pensées, de celles que rien ne vient altérer, ni les temps, ni la paresse ou l'imbécillité de ceux qui les lisent.

    Heureusement encore. Car je me demande avec quoi l'humanité survivrait si certains n'avaient pas tous sacrifiés pour conduire le troupeau hors de ses couches d'enfance pleines de mouise.

    Open one of them. Close the curtains. Turn off the light. In the darkened room lift up your soul, out of this bloody shit area.

    or...

    Have a breath. Dig and swim far away.

    ______________

    Trois couleurs sombres

     

     

     

     

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    _ Je prends le Rouge pour état permanent.

    _ Je convoque le Noir pour accompagner le cortège de mes illusions défuntes.

    _ Pour donner à l'ensemble un air iodé j'appelle le Bleu des océans.

    Ici : la lumière tombante.



    A l'aube j'invoque mes rêves de sables :


    0cre


    Safran.


    Terre.

    Où est le désert se trouve mon rêve en suspens


    Pris dans un filet de nuit mêlé de diamants.

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    Parce que certains jours portent le deuil du jour suivant que le précédent a du porter sur ces épaules pour tenir jusque celui-ci...
    Il vaut mieux taire et encore taire. Peut-être évitera t-on le bavardage insipide de ceux qui envient car ils ignorent ce qu'est cette seule et unique souffrance de devoir exister au lieu de vivre simplement.

    Disons que ce n'est rien. Il arrive certainement un moment où toutes les questions se résolvent en une seule définitive et l'on ira pas s'en plaindre.

    Non vraiment on ira pas s'en plaindre.