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Sédiments_Avant-Garde_© - Page 247

  • Mouvement.

    D'un seul mouvement la terre amplifie la plénitude des ombres en se dévoilant ce matin comme la rondeur d'un ventre plein. Midi au sommet de son art, midi au coeur de la brulure bien réelle d'un soleil réglé sur la température la plus haute. Déambulation nonchalante du matin qui accompagne mes pas dans le silence de la maison desertée. Au réveil, j'ai toujours la sensation étrange d'être seule au monde. Quel bonheur soudain de n'avoir aucun mot insignifiant à prononcer. Sauvagerie. Au réveil, j'ai souvent l'étrange sensation de ne jamais me réveiller, de ne jamais quitter un rêve si profond qu'il s'apparenterait à une visite en fond sous marin. Silence. J'entends une respiration. C'est encore la mienne...Je la laisse vivre, ne tente pas de contraindre l'oxygène qui entre et sort. J'allume la première cigarette. Fais couler le café dans la tasse, ouvre un oeil désabusé sur mon corps viellissant, sur ces pensées stagnantes de la nuit écoulée. Songes et pensées. Idées et sensations. Plaisir et bien-être quand je croise dans le ciel la colonie d'oiseaux venue se restaurer sur le cerisier du jardin. Milles et un volatiles pépient, voletent, jouent légers à suspendre les clauses des lois de la pesanteur.

    Les fleurs blanches éclatent dans la toile électrique du bleu printemps, du bleu violent, du bleu uniforme. Mes yeux brûlent de trop de lumière.

    Je retrouve l'ombre et la fraicheur de la maison, la tranquillité des pages vierges, ces terres d'asiles. Le vent joue avec le sommet des branches lourdes de feuilles, de fleurs, d'oiseaux. Le ciel s'éloigne, la terre aussi. Je rejoins d'autres territoires.

    L'equisse d'un mouvement vers l'ailleurs, celui qui ne nous quitte jamais, quelle que soit la couleur des murs qui nous cernent, des habitudes qui nous consument lentement, des ennuis qui nous assaillent, des imbéciles qui nous distraient, des passions qui nous ravagent et nous laissent pantois, vidés, aspirés, dénudés, l'ailleurs est celui qui nous porte constamment au-delà de nous mêmes, de nos petites peurs, angoisses, histoires, épisodes : de nos petites vies. 

    Au-delà, toujours au-delà, de ce qui est à l'origine possible d'être, de faire, de rêver.

    Dans ces longs trajets poétiques que chacun peut découvrir, offrir, transmettre, traduire il existe la possibilité de trouver cet îlot où le temps à cessé d'être le décompte implacable vers la fin.

    Les aiguilles de l'horloge, arrêtées sur l'eternité, comme un battement suspendu, indiquent la direction de ce passage secret. 


    Le souffle suspendu en attente de ciel bleu. Brossant la toile uniforme, quelques mots s'improvisent danseurs de samba, de tango, flamenco, Suspendus à leurs cous, des oiseaux enguirlandés de fleurs blanches, mouillés d'abeilles bruissantes, passent d'un cavalier à un autre. Pas d'avant sur arrière. Brode le paysage aux heures bien sages, bleues, des matins d'étés. Un souffle et pas de mot. Un silence s'offre au bras d'une demoiselle légère, papillon valsant sur le cil énamouré d'un Hidalgo de passage. Pas si sage ou trop. Lancine la valse, aimante le tango, amourache la samba alanguie. Passons la minute d'ébahissement, au fond la lame tranchante, nous laisse tous pantois... Pas si secret le passage!

  • L'ombre des mots.

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    Je suis entrée dans l’écriture ainsi qu’une jeune mariée, le cœur battant à tout rompre, les tempes serrées dans un carcan de souvenirs.
    Et ma robe était blanche, et mes yeux brillaient, et mon sang tournait violemment dans mon ventre…Le battement se répercutait sur les murs de pierres froides, celui des cloches d’acier frappées par la corde rêche, s’y mêlant. Au sol les lys fleurissaient dans les interstices des dalles de marbre. Mon visage était blanc, les marches froides, les colombes s’envolaient battant leurs ailes immaculées dans l’air haut du dessus de nos petites maisons…Blanches aussi les maisons.

    Car sais-tu ceci….

    Blanc contre blanc, le regard prend sa forme claire, entre en soi, observe sagement nos forteresses intérieures sombrer, inondées de lumière. J'ai saisit la plume d'une colombe, qui s’est enfuie éprise de vent, ivre de lumière. Je l’ai arrachée vois-tu car personne ne pense jamais à offrir une de ces plumes. Et j’ai tracé, imperturbable, sur l’épaisseur des murs et contre les dalles, le premier signe d’un alphabet, puis le second.

    C’était étrange vois-tu de se savoir derrière des murs alors que le ciel couvrait l’espace au dessus des yeux, que je levais, que je levais. Puis que je baissais soudainement car sur le sol je découvrais des fragments rouges, ocres, des bâtons, des pierres, des mousses, des feuilles….Je pouvais les toucher, les assembler, les regarder encore, découvrir le mot « forme » sous leur poids laissé dans la terre après que je les ai saisit. La colombe s’enfuyait, à tire d’aile. Echappée de mon regard elle ne laissait derrière elle qu’une longue attente de ciel bleu. Je me suis dit pour la première fois le mot "empreinte" puis j'ai pensé  "trace". Je n’ai jamais oublié à quoi correspondaient ces mots, puisque je découvrais qu’écrire était cette archéologie de l’empreinte, puis l’assemblage des formes où menait l’envie de lier entre eux, les mots. L’orage…Il se mit soudain à résonner. Je pris peur. Je m’enfuis. En revenant, je constatais que la pluie avait tout effacé. Le sol était neuf…à nouveau. J'ai commencé à chercher... J'étais pâle d’avoir perdu mes souvenirs. Pâle d’avoir vécu sans l’empreinte laissée par l’ombre de mes pas. J'ai exploré les interstices lumineux que les vitraux coloraient, bu la poussière des lieux, noté la couleur des moisissures dans les coins humides, dessiné en aveugle le contour des meubles, frissonné au contact des statues de marbre. J'avais l'impression de soulever la peau des ombres... Je suis entrée dans l'antre des mots, cette caverne en marchant sur des allées dallées de dévotion. Les mains liées par la prière, les yeux levés vers l'au-delà. Parce qu'il existait un au-delà, comme il existait un revers vivant à chaque année de poussière oubliée là, je le sentais.

    En écrivant je retrouvais ce chemin. Il m'avait conduit jusqu'ici. Marchant doucement pour ne pas faire fuir la poussière sous mes pas, j'exhumais ces manteaux d'ombre et de poussière. J'avais la bouche emplie de ces années viellies, les yeux mangées d'ombres dansantes. Je ne savais pas voir. Je ne savais pas dire. J'étais née sans parole. J'étais née hors de l'histoire, quelquepart entre ici et ailleurs. Je n'avais pas de nom. Autour de moi rien ne se semblait se détacher de l'obscurité.

    Jour.

    Nuit.

    Quelquepart entre ici et ailleurs.

    Jamais vraiment là.

    Jamais totalement absente.

    Jour. L'oiseau s'envole une fois de mon regard. Nuit.

    Dans un repli de terre, j'ai trouvé en rêvant un récit à exhumer, des territoires à explorer, indéfiniment...une nuée d'étoiles à contempler, un millions d'yeux ouverts à l'horizon, une explosion de sourires dans les interstices, des traces de lumière derrière la toile, un silence d'avant monde.














    Dans l'ombre des mots, il y a tous ces mots qui m'ont donné la vie.
    L'enfance aux milles chansons de Marie Myriam avec Comme un enfant, Barbara, mais aussi Memory avec la voix de Barbara Streisand, Le nom du petit bal perdu chanté par Bourvil, tout comme la voix de Fabienne Thibault toutes ces voix ont traversées la nuit jusqu'à moi. Mais j'allais oublier la bonne humeur de Marie-paule Belle et la force des textes de Véronique Samson.  
    J'essaie aujourd'hui avec le peu de talent que je possède de traverser la nuit des autres.






     

     

     

  • Pensées

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    On ne vous parle pas de ces vies, vécues pour rien, de ces trajectoires croisant le vide, de ces visages tristes aux larmes si proches, aux cernes si profondes, de ces regards que l'on nomme facilement "chien battus"....

    Mais pourtant le souvenir de ces vies hantent les nôtres, leurs ombres sont présentes sur tous nos murs, dans les papiers que nous foulons du pied en marchant dans les rues désertes...parce qu'ils sont aujourd'hui morts, disparus, envolés. Ils n'ont rien laissés d'autre qu'un souvenir, la trace dans nos yeux ébahis de leurs corps en souffrances, de leurs existences en marge, victimes de tous les vices que les dominants trimballent....Passage de nerfs, passage à tabac, fracas de vie qui font rires les porcs...Le désespoir que certains trimballent comme des fardeaux, des témoins de la déliquescence de notre monde : son absence d'humanité, de simple "humanité", son temps transformé en valeur monétaire, en argent dur, en lieu et place de ces sentiments qui nous rapprochent tous quand nous sommes encore capables de les ressentir, de les échanger, de les mettre en étendard sur la plus haute de nos marches de valeurs.

    Je croise souvent ces corps en souffrance, ces âmes en perdition, indéfiniment seules, errantes sans la simple main tendue qui fait de nous tous autrechose que des meutes de chiens assoiffés de pouvoir, de jouissance, de possession, suppliant du regard que ne cesse leur calvaire et...

    La honte que je ressens est parfois si grande que mes yeux se baissent pour ne pas avoir à faire face à ce pur dégout que fait naître en moi la vision de ces chiens qui nous servent de congèneres.

    Les hommes et les femmes sont répugnants quand ils rient de leurs vices, en jouissent, se les passent comme on se passe des poux. Il faut bien regarder pour voir ces filaments de merde humaine en action....

    Je me demande bien pourquoi je n'ai jamais vu autrechose que des humains dans ce monde de robots, d'inconscients et d'imbéciles, heureux. Je suis décidément d'une naïveté épouvantable! Certainement l'indécrottable "espoir" dont on nous gave dés la naissance et qui n'a d'autre raison d'être que l'inévitable besoin d'être rassuré face à ce cloaque que l'on nomme monde.

    Je vais me remettre à regarder les roses et les bleus violets dans le ciel cela sera certainement beaucoup plus intéréssant.

  • Rosée.

    Il fut donc un amour irraisonné, araisonné de faux en folies, de barbares déchaînés, d'illusions perdues dans lequel on trouvait en mendiant le miroir aux alouettes de faux printemps, de faux renouveau, de vrai immobilité, de vrai ennui!


    Ainsi fût-il donc de cet amour, de ces trajets incertains, de ces fragilités avouées, de ces failles apparentes, de ces masques en trompe l'oeil, de ces retours à l'état sauvage.

    Dans le froissement d'un papier argenté : on pouvait oublier immédiatement qu'il existait autrechose qu'un ballet d'ombres déchirées.

    Le son fragile, fugitif, crissant du papier froissé dans la lumière avait ce pouvoir magique...fondu-enchainé aux autres épisodes... 

    Une phrase me hantait :

    "La lumière roule sur son visage, cette source vive à demi-tue".

    J'aurais pu l'écrire sur un morceau de feuille. Elle était assez longue. Elle me semblait belle. Elle me semblait porter un mystère. 
    "Une de ces aubes croulantes d'eau rosée, de ces mystèrieuses surfaces teintées d'ors que le regard dans sa quête d'embrasement ne saisit jamais autrement qu'en parcelles aveuglantes" était la suite de ce poème auquel je pensais souvent.Dans mon souvenir se mêlaient les tableaux de Turner aux levers et couchers somptueux d'un astre brulant de se consumer.

    "L'existence occupée à froisser les êtres et les choses." aurait été la fin de ce poème aux accents discrètement mélodieux de pluie d'Avril.

    Il aurait donc été simple de décrire et de dire les multiples contorsions de l'âme plongée dans ce que l'on nomme l'état amoureux, mais...

    Puisqu'il s'agissait d'une rêverie où l'on aura retrouvé pêle-mêle ses jouets d'enfants, ses peurs d'avant, ses espoirs aussi et ses belles illusions, dans les reflets desquels on aura reconstitué les fragments de son identité, son passseport intime et primesautier, il était tout de même difficile de mettre à jour la cohérence d'un récit qui se perdait aussi souvent dans les méandres de ces retrouvailles avec soi-même.

    J'ouvrais les yeux et face à moi, se trouvait le reflet du miroir.  

    C'est ainsi, pensais-je que nous aimons, ainsi que nous vivons.

    D'un seul mouvement de paupières : nous sommes ou disparaissons.
    Seul survivant du regard : le souvenir.