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Sédiments_Avant-Garde_© - Page 251

  • Peut-être...

    Peut-être la marée montante est-elle d'abord affaire de langage : celui d'un grand arbre assailli par accès d'un vent rocailleux qui s'y rebrousse, s'y enfonce et ne trouve plus d'issue que par une infinité d'interstices sinueux....

    Car ce n'est pas assez, semble t-il, de l'indistinction des formes et des couleurs : s'y ajoute un embrouillamini de sons, d'écorces mates de vocables, nés de la vibration de lèvres à foison_ et l'objet moins d'une profération que de dégorgements réguliers.

    Si intarissable est l'étendue, que l'on évoque ceux qui s'embarassent en leur propos tant ils ont à dire dans l'urgence. Et sans doute prête t-on surtout l'oreille aux grands écarts de langage des vagues proches, à leur jaillisements incontrôlés où paroles blanches et sons détimbrés s'adressent si bien aux tempes; mais au-delà, et jusqu'à l'horizon s'étend une aire balbutiante_ un prodigieux champs de phonèmes!_ où l'on voit tout un discours tenter en vain de prendre forme, tant la contradiction lui est inhérente.

    Ces paroles de craies humide broyée qui surgissent au bord, on les dirait nourries, portées, déléguées par la foule, là-bas des sons en creux. Comme tirées des limbes du langage, sont-elles de délivrance, ou bien, formées par agglutination au pied du versant, d'excrétion? Qui pourrait affirmer que la mer n'essaie pas, désespérément, de s'inscrire dans l'Histoire et qu'elle aurait donc à relater!...A moins qu'elle n'expulse depuis l'origine, la suprême impureté de la langue.

     

    Extrait de "Marées". François Solesmes. Edition : encre marine 2002.

  • Crier...

    Crier...Qu'il ferait bon crier sans retenue, avec la véhémence de la mer, jusqu'à s'en dépenailler; mais la reserve l'emporte et elle se borne à gémir ainsi qu'on essaie, par une manière de mélopée, d'endormir sa douleur. " Je suis en larmes... [...] et bien et mal....Ravage-moi, délivre-moi....Toi tu le peux....S'il te plait, viens!....Je te dirais à l'oreille combien je t'aime."

    Marées. François Solesmes. L'encre Marine 2002.

     

  • Sédiments.




    Sédiments.

     


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    Matière fossile, extrait de mémoire, de temps concrété. Amas de poussières sèche, rassemblement de particules volages, interruption de secondes, minutes de recueillement. Les sédiments se trouvent au fond des rivières, dans le lit des fleuves, sous l'eau qui passe qui les transportent, puis les déposent.

    Devant moi il y a ces cendres. Des cendres de cigarettes qui se consument. Devant moi encore il y a la lumière de l'écran, puis celle du jour qui se lève. Devant moi enfin il y a ces souvenirs que je nomme ici" sédiments", pour ne pas perdre de vue qu'il s'agit de temps morts, de vieilleries, de passé.

    Au loin le futur interrompu, auprès le présent figé, pour un temps seulement.

    Je vais écrire, réécrire ce qui n'a pût avoir lieu, ce que ma mémoire refuse de compter au nombre de ses souvenirs en préparant la victoire de la Mémoire. Celle-ci possède la capacité d'oubli, ce qu'elle ne peut entendre, elle le relègue aux oubliettes, en fait des petits tas de pierres, des signes, des tas de cendres, des amas de poussières, des riens. A l'aide de  phrases qui lavent les affronts, nettoient les salissures, balaient l'écran devant les yeux, elle renvoie ceux qui ont eu l'indécence de dépasser toutes les limites à la dissolution dans un trou noir.

    Avec la cuillère qui touche soudain mon poignet, je me rappelle qu'il manque un sucre à mon café. Je le prends. Il tombe au fond et je pense au mot dissolution. Le café noir dissout le sucre. L'oubli dissout les mauvais souvenirs.

    Le jour se lève. Je regarde le ciel coloré et je me dis que le monde est bien fait. Le soleil envoie ces concentrations de couleurs chaudes sur la planète. L'atmosphère absorbe ce rose d'un autre siècle, je le regarde encore se dissoudre dans les nuages au fur et à mesure que le ciel pâlit. Il continue de lever ses voiles, parcourant inlassablement de ses teintes de pudeur outragée le fond d'horizon rougeoyant.

    La terre s'éclaire. Les ombres fuient. Le spectacle de la lumière à l'oeuvre  impressionnne les yeux levés. Elle ne laisse aucune chance aux rampants, aux malins, aux vampires de la nuit : tous fuient et mes yeux rient de plaisir. Il ne reste déjà plus rien de leurs sombres intentions.

    Le jour est levé.

    La terre dévoilée, nue sous un drapé d'herbe tendre, exulte dans la lumière.

    Eclats de pierre :

    Sédiments.

    Milliers d'éclats de pierre répandues sous nos pas qui portent l'empreinte de nos états silencieux, ceux qui nous ont éloignés, ceux qui nous rapprochent, ceux qui restent immobiles dans l'attente de l'autre. Je me couvre de cette poussière de terre quand je dois patienter. J'immobilise mon souffle. Je retiens l'élan qui me porte vers toi dans la folie de ce temps rapproché, confondu, qui nous fait un : dans la pénombre...

    Un souffle. Un élan. Un mot : ma mémoire appartient à ces roches saillantes contre lesquelles mes poignets se blessent et se font saigner volontairement.  Elle se heurte au temps, heurte volontairement les mots et les images qui nous décrivent en cercles concentriques, impossibles à canaliser. Mes mains prennent et défont les liens étroits sous la couche de terre où nous sommes enterrés. Sous les larmes de bétons figées, nos coeurs engourdis frémissent. Il est temps de souffler un peu de chaleur sur ces étendues.

    Sédiments intégrés dans la nappe de glace / l'écran entre nous/ à relier pour déssiner la carte de notre ciel amoureux.

    Tendre la toile. Dessiner le premier pas gris de poussière, lent d' exceptionnel  légèreté, qui m'a pour la première fois permis de comprendre où se trouvait le coeur de la roche... sous un filet de poussière ocre.

    Sous un filet tendu de silence,

    sous un soleil de plomb, d'absence alourdit.

    Engourdis nous sommes.

    Désolés de tant d'années arrimées à ces ballots de poussière.

    Tendre la seconde d'une empreinte animale, fossile.

    Un pas friable est resté suspendu aux crochets incertains de mes désirs inaccomplis.

    Sédiments est une ballade où je me perds à loisir, où je sème de petits pétales colorés...Entre les lignes. Pour me  retrouver dans le coeur de la roche, sous la surface miroitante, changeante....

    Sous la brume des apparences, un peu d'effervescence quand les masques s'effritent. Le bruit de la chute résonne, un peu, puis s'éteint. Le silence porte l'oubli. L'oubli intègre le silence. Entre nous ce qui s'éteint c'est un peu de la flamme de nos regards, qui baisse, puis vacille. Devient indécelable dans la nuit qui nous entoure. Si petite qu'il faut se pencher en dehors pour la percevoir... Fragiles, nos désirs vacillent en proie aux vents contraires. Dans cette zone protégée que le froid a saisit comme la mémoire s'est figée.

    Il existe le refus du temps qui passe, balaie et fait disparaitre ceux que l'on a aimé.


     

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    Evidemment des sédiments se trouvent tout autour de soi. On ne les remarque pas toujours. Ils sont discrets, sages, posés dans un coin de la ville, rêveurs, beaux, inutiles et esthétiques. La mémoire est une étrange boîte à souvenirs. Les images sont cachées à l'intérieur, précieusement repliées sous un mot, dans une lettre oubliée, sur l'odeur d'une enveloppe vieillie par le temps. J'ai toujours collectionné les souvenirs, les beaux, les moins beaux, les étranges, les "durs durs", les drôles, les sages et les moins sages. Je ne me suis jamais sentie la force d'inventer des personnages imaginaires et les histoires, les romances m'ennuient depuis au moins vingt ans. En revanche les souvenirs, leur histoire, leur dissolution au fil du temps qui passe, leur surgissement inattendu dans les moments et les endroits les plus improbables m'ont toujours intéréssés. Peut-être est-ce un défaut, je l'ignore. Toujours est-il qu'il m'est venu un jour l'idée de tenter de les rassembler, de les utiliser, de les mettre en scène d'une façon ou d'une autre, en trouvant un moyen d'expression qui me correspondrait...J'ai commencé ce blog pour cette raison. Il m'a semblé à la fois pratique et utile dans le sens où son existence constante sur une page internet le transformerait en "objet", tout à la fois fascinant à contempler mais surtout à construire, doucement avec la patience des brodeuses d'autrefois, avec la lenteur d'une femme âgée, j'ai repris un à un les moments ou souvenirs que je pouvais mettre en scène de cette manière.  J'ai longtemps cherché le nom et le symbole qui représenterait le mieux ce que je cherchais à réaliser. "Sédiments" commença à miroiter dans une lumière faîte d'eau de ruisseau et d'éclat de soleil quand je me souvins du plaisir que j'avais enfant à fouiller le fond sablonneux d'une petite rivière pour y découvrir les paillettes que je voyais miroiter à travers l'eau, de la surface.


     






  • Eternité.

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    "J'ai des rêves pour toute une vie".

    "J'ai toute une vie de silence à explorer."

    "La vie n'existe pas en dehors de soi. Mort tu ne parles pas aux vivants, vivant tu ne t'adresses pas aux morts."

    Seule ta vie intérieure est importante. C'est elle qui survit. Le reste disparaît."

    " J'ai marché sur des trottoirs vides, lu des mots doux ici et là, puis j'ai pensé à nous, à tout ce que nous étions, tout ce que nous fûmes, à mes rires et à la douceur de ta peau, aux sourires éclatants que tu réservais à chacun de mes retours. J'ai retrouvé un jour sur ce banc le surnom que tu m'évoquais. Mais je n'ai pas souris. J'ai pris la photo pour ne pas oublier."