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Sédiments_Avant-Garde_© - Page 261

  • Je ne céderai jamais.

    Un jour aux corbeaux qui volaient au-dessus d'elle, aux épis qu'elle caressait en passant dans la plaine, elle fit ce serment :

    _Je n'irai pas où vous voulez m'emmener.

    _Je ne dirai pas ce que vous voulez que je dise.

    _Je ne mangerai pas la nourriture que vous préparez.

    _Je n'emploierai pas les mots qui vous servent à vous exprimer. 

    _Je ne porterai pas les vêtements que vous fabriquez.

    _Je ne vivrai pas dans les prisons que vous construisez.

    _Je ne ferai rien de ce que vous voulez.

    Constamment j'irai contre le vent. Constamment je remonterai le courant. Constamment j'irai où bon me semble, au mépris de vos indications, au mépris de vos conseils, car ma liberté s'est construite ainsi. Dans votre dos. Face au vent.

    Le jour suivant elle écrivit dans l'air puisque tout lui avait été retiré, la suite de son serment :

    _"Vous n'entendrez pas mes mots. Vous ne comprendrez pas mon langage. Vous ne verrez pas mon visage.Vous ne saurez pas que j'existe." 

    Ce sera bien ainsi car de toutes choses l'esprit mauvais fabrique de la laideur et j'aurais peur que vos pensées ne salissent ma vie.

    Elle se sentit nettement mieux, reprit son chemin, en continuant de se boucher les yeux et les oreilles car seul son coeur parlait à son cerveau. Le reste n'était que mort et dégout. Elle se tenait droite dans  le vent, au mépris des courants, bravant les lames de fond qui tentaient de l'emporter, enrageant sous les orages, mais c'est ainsi et seulement ainsi qu'elle construisait sa liberté.

    Et c'est bien la seule chose qu'elle avait réussit à conserver par delà toutes les insultes, les infamies, les destructions, les humiliations et les coups : la liberté. 

    A Naïma: Réfugiée femme d'un pays où les femmes naissent et meurent baillônnées et où les hommes libres se font égorger. 

    PS: Naïma si tu lis ces lignes saches que je n'ai jamais croisé de femme aussi courageuse et fière que toi. Avoir eu la chance de te regarder quelques minutes m'a permis de de comprendre le sens caché du mot liberté. Ce mot que j'ai appliqué à ma propre existence et qui m'a tant coûté. Je l'ai relu inscrit sur chacun de tes mouvements, entre tous les mots que tu disais. Même tes "bonjour" disait "je suis libre". Je sais que parfois on m'accuse d'emphase lorsque je dis ces mots mais je me fous du : "qu'en dit qu'en pense" le voisin. Je dis ce que me dicte mon coeur et tant pis pour le reste. Je tenais à te dédier ce petit texte, il est pour toi. 

    "S'il ne me reste rien : que ma liberté demeure afin qu'au jour de mes funérailles quelqu'un d'autre s'en saisisse et la défende comme je l'ai fait au mépris de ma propre vie."  

    Petite phrase en passant aux croassants de toutes plumes, et surtout à ceux qui sont tombés dans la peinture bleu-blanc-rouge....  "Je ne céderai jamais."

    Tralalalalière. Et vous pouvez toujours venir faire vos cochonneries dans mes commentaires, je m'en contre-tape bande de "hihans" analphabètes.

  • Si je pouvais, je t'écrirais.


    podcast
     

    Tellement de mots cachés sous la pierre des instants précieux, tant de mots qui affleurent au point des blessures, fâchés de devoir se planquer dans l’obscurité.
    Il serait si simple d’ouvrir les abcès du silence avec la pointe de l’arme.
    Rien ne l’empêche, pourtant...
    Pourtant, je continue à me taire, à additionner les pages blanches entre nous, les longues plages de silence.
    La peur de te voir disparaître m’impose ce silence : un silence blessé par la pointe des mots retournés.
    Si je pouvais, vraiment je t’écrirais.
    L’arme est un langage qui se dit comme il s’écrit sans fard aucun.*
    L’arme a l’acier réfléchissant, la pointe tranchante, le gris clair.
    Elle se passe de commentaire va où l’essentiel l’appelle.
    L’arme est ma passion secrète, mon amie de toujours. Pourtant, face à toi elle ne m'est d'aucun secours, elle gît, inerte; dans son écrin de silence obstiné.

    *langage déssiné

    dit

    écrit

    sans fard aucun.

    corps nu . mot . pierre délavée. corps. mot. nudité. 

    J'ai toujours écrit avec la pointe de la pierre contre le sol dur. J'ai toujours écrit avec les doigts abîmés de s'être frotté contre les murs. J'ai toujours écrit les dents serrées contre la langue mordue. J'ai saigné avant d'écrire. J'ai toujours saigné d'écrire. J'ai souvent mordu la pierre pour en éprouver le goût. J'ai parfois léché la pierre pour le sel. Et souvent j'ai mangé des mots à la place des aliments, aimé des mots à la place des êtres, rêvé des mots avant d'aimer le silence. Des mots pour des choses, des êtres, des mots en place et lieu de ce qui existe et puis parfois j'ai réalisé que les mots étaient des corps aussi. Les mots pouvait s'habiller et se dénuder. Les mots pouvaient trembler et se cacher. Les mots pouvaient rire ou sourire, aimer ou pleurer. Ils avaient la capacité de se flêtrir et de disparaître. Ils étaient parfois trés laids, à d'autres moments gracieux, légers, aériens, envolés, planants... Devant toi je ne sais pour quelle raison ils se dérobent obstinément, ils sont lâches, ils se planquent les uns derrière les autres comme des fautifs ou des coupables, peut-être craignent-ils leur force, leur pouvoir, celui qui interrompt ton souffle, qui suspends les battements de ton coeur à une ligne, une phrase, une virgule, une intention devinée, suspectée. Est-ce de se savoir lus qui les effraient, de se savoir tant écoutés, tant attendus? Sont-ils devenus si discrets qu'il faille se pencher pour les entendre parce qu'ils murmurent au lieu de dire?

    (Vraiment si je le pouvais je t'écrirais.)

     

     

  • Ecris en silence I

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    Ecris, n'écris plus, ecris puis plus.
    Ecris en silence, écris le silence.

    On n'aime pas le silence.
    On n'aime pas l'absence.
    Pourtant on écrit dedans.
    En dedans, à l'intérieur.
    Contre les parois fermées du souvenir.
    On gratte des morceaux de temps à mettre en mouvement

    Des morceaux d'antan à ré accorder.

    L'accent voyage. La virgule aussi.

    Contre la trame visible, la phrase saisie, pantelante, démembrée, frappe l'intérieur du verbe, aspire des courants d'air glacé, expire des clameurs, abats les portes réels ou irréels.

    Donne la voix, fais résonner, sonne, et appelle encore, les cloches défoncées, les poupées scellées, les arbres couchés. Une porte abattue frappe les blocs disjoints d'un perron d'église, crissent les graviers contre le verre des pupilles écartées.

    Les paupières se soulèvent.

    Regarde.

    Noir. Bleu. Nuit.

    Arpente les allées du souvenir.

    (Ecris en silence).

  • Ecris en silence II

    Tu vois une porte dont la peinture s'écaille. C'est elle qui vient de s'abattre sur le front, sur le perron. (Je sais on ne dit pas le front pour le sol, pourtant il est blanc, lisse comme ton front là. Que je regarde maintenant. Sur lequel j'envoie mes yeux rêver, se poser en papillons discrets). Tu voudrais comprendre. Pourtant jamais je n'expliquerais ce passage du temps entre nos lignes, cet arrêt brutale, cardiaque, désordonné. Je vais faire quelquechose que tu ne comprendras jamais. Je vais ouvrir la porte de ce temps, ouvrir la porte et tu ne verras rien d'autre qu'une lumière blanche qui te sembleras être la couleur même de l'air. Tu essaieras de respirer. Mais de ton visage convulsé tu n'obtiendras rien d'autre qu'une lamentable grimace. Je sais ça parait fou dis comme ceci...Mais attends un peu et tu verras ce que le Temps fait à ceux qui essaient de l'arrêter. Il les envoie respirer sa poussière, sa craie. Respirer de la craie. Ca parait fou dis comme ceci. Mais tu vois bien que dans ce poéme les portes s'abattent et les pupilles crissent, rien n'est vraiment normal ici. C'est l'oeil du temps. Celui qui nous observe constamment, celui qui juge et frappe,  condamne et emprisonne dans ses filets, nos corps convulsés.