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Sédiments_Avant-Garde_© - Page 258

  • Air du temps.

    Extrait de

    « Persister dans le récit », entretien avec Christian Salmon

     

    _Le contrôle des esprits ne passe plus seulement par l’interdit, mais par la diffusion mondiale des mêmes produits culturels, des mêmes énoncés, des mêmes valeurs, des mêmes standards de narration. Pire que la censure individuelle, il y a l’espace culturel qui se met en place : un espace culturel standardisé, homogénéisé, dominé par les grands standards médiatiques et les industries culturelles transnationales.
    Un unique modèle culturel s’impose aujourd’hui à toutes les cultures, les langues, les expériences du monde. La censure ce n’est plus le contrôle mais le monopole, non plus la restriction mais la prescription.

    Comment lutter contre ces ennemis désincarnés de la langue et de la liberté de penser, de créer, d’imaginer ?

    Il serait évidemment présomptueux de vouloir s’opposer à des tendances aussi lourdes. Mais le Parlement peut être une force collective d’action et d’observation qui contribue à identifier les formes de ce nouveau Léviathan culturel, en décrire les traits, les modus operandi, les failles aussi... À quoi bon la liberté d’expression si elle est gagée par le silence de populations entières ? À quoi sert le droit d’expression si c’est pour se taire devant les grands scandales de l’heure : famines, oppressions, menaces écologiques, guerres impérialistes ?_

    En entier ici

  • _Poétique de l'espace.

     

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    L'immensité est, pourrait-on dire, une catégorie philosophique de la rêverie. Sans doute, la rêverie se nourrit de spectacles variés, mais par une sorte d'inclination native, elle contemple la grandeur. Et la contemplation de la grandeur détermine une attitude si spéciale, un état d'âme si particulier que la rêverie met le rêveur en dehors du monde prochain, devant un monde qui porte le signe d'un infini. (....) Si nous pouvions analyser les impressions d'immensité, les images de l'immensité ou ce que l'immensité apporte à une image, nous entrerions bientôt dans une région de la phénoménologie la plus pure_ une phénoménologie sans phénomènes ou, pour parler moins paradoxalement, une phénoménologie qui n'a pas à attendre que les phénomènes de l'imagination se constituent et se stabilisent en des images achevée pour connaître le flux de production des images. (...)

    L'immensité intime. Gaston Bachelard.p 168 et 169.

    _Cascades, étoiles et vents, nous appartiennent intimement. Ces éléments sont l'écho intérieur de particules essentielles, élémentaires dirait-on qui nous constituent et dont nous sommes une des concrétisations. Tel atome projeté à sa propre image, sa structure pourrait-on dire, en nous-mêmes. L'émotion issue du spectacle des éléments provoque l'inspiration. Telle une respiration elle apporte sa matière en flux constant. Transformée, remodelée, elle forme le lexique, la table des matières d'une compréhension du monde et de nous-mêmes. Originelle, elle replace l'être humain au centre d'une genèse "ardente" dont les figures sont celles que la poèsie découvre, dévoile, explore. 

     L'imaginaire poétique à sa manière qui semble parfois ésotérique nous informe de l'existence humaine au sein de l'univers_ Cet ensemble constitué dont nous percevons seulement quelques éléments a insufflé à l'âme humaine ses plus belles évolutions... De l'époque courtoise nous avons conservé le goût du sentiment, de sa description, de sa naissance à sa disparition. Tant de beautés nous ont été données à comprendre grâce à la poésie, tant de subtilités nous ont été transmises grâce à la plume de nos poétes. Qu'il fut beau de lire dans la poèsie des siècles passés l'éclosion d'une âme humaine qui devrait aujourd'hui atteindre ses déploiements les plus intéréssants. 

    Et je me crée d'un trait de plume

    Maître du monde

    Homme illimité

    Pierre-Albert Birot.

  • Si le silence.

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    Si le silence est fascinant c'est qu'il contient toutes les promesses de la parole, tous les possibles d'avant l'existence du mot. Il laisse à l'esprit la liberté de voyager sans le secours du trajet délimité par la parole. Il rappelle ce temps où, enfant, le langage était sons, images, odeurs, sensations. Il est la pierre précieuse, archaïque contenue dans toute respiration. Il est la respiration dont nous manquons parfois, la perspective retournée vers soi quand les mots des autres ont finit de vous appeler. Parfois dire est inutile, superflu. En décrivant un peu trop, on se retrouve dans un enclos gardé par les mots des autres.Car les nôtres où sont-ils....Existent-ils encore? Ce n'est pas certain...Nous empruntons des tournures, des figures à qui a bien voulu un jour les inventer pour nous. Pour retrouver la trace de son langage, il faudrait se taire beaucoup, happer l'air comme on happe une bouffée d'oxygène avant de plonger dans une eau sous-marine. Pour retrouver trace de ce langage il faudrait accepter de se taire indéfiniment. Se mettre à l'ombre de sa propre mémoire, s'éxiler intérieurement, retrouver l'origine de ses mots, chercher dans les souvenirs de l'apprentissage de la langue comment de glissements en refoulements, de déplacements en recours à l'imaginaire on en est arrivé à se créer un langage qui nous est véritablement personnel, qui se réfere uniquement à nos souvenirs de représentation, de formulation, d'extériorisation.

    J'ai dénommé. J'ai nommé. Pour quelles raisons ai-je choisit tel ou tel mot plus qu'un autre. De quelles couleurs, sons, odeurs, ces mots émanent-ils? Et quand j'ai enfin compris d'où je tirais tous ces langages qui se télescopent, se répondent et sont à eux-mêmes un monde , je les interroge un à un  je travaille à nouveau le langage de manière à ce qu'il ne soit plus le reflet d'aucune image personnelle mais bien, ce qui est sa fonction première la trame grâce à laquelle le sens va pouvoir commencer à circuler et prendre sa forme vivante.

    *Au sujet du sens des mots, voici un trés beau texte de Leslie Kaplan.

     

  • Au sujet de la folie.

    1_"Denis Hollier voit juste lorsqu'il écrit : « Pour Bataille, l'écriture est une pratique réelle de déséquilibre, un risque réel pour la santé, mentale. La folie est contamment en jeu dans ce qu'il écrit. Mais la "folie" est précisément l'inimitable écriture sans règle ni modèle . »" _

    2_L'absence de règle et de modèle est ce qui m'a toujours fasciné dans l'existence de ce monde à part que l'on nomme "folie". L'expérience de Mary barnes, par Laing et le docteur Cooper durant la période qui a vu se développer les théories de l'anti-psychiatrie a profondémment bouleversé mon jugement au sujet de la folie, qui n'était alors pour moi qu'une des innombrables "maladies" dont on peut par accident se mettre soudainement à souffrir. Or plus je réfléchissais à ce sujet plus il m'apparaissait que la folie avait d'étranges et de bien fulgurantes façon de se manifester. Les dessins, les créations de ceux que l'on nommait fous avaient toujours à mon avis bien plus de force et de portée que ce qui provenait des gens dits "sains". Pour quelles raisons et grâce à quel mécanisme? Je commencais à chercher au moment de la lecture de cette expérience de Mary-Barnes relatée dans les notes de ce psychiatre : Ronald Laing. J'avais 16 ans, l'été où je fis la découverte de ce livre passionnant.

    3_La même année je découvrais Artaud et Nerval. La fascination que j'éprouvais pour leurs textes me fit oublier la somme de souffrances qui se trouvait à l'arrière de ces vies. J'appris le suicide de Nerval. Et je me rendis soudainement compte que tout à mon intêret je faisais fi de leurs maladies, de leurs souffrances. Je compris alors que la folie était une manifestation indépendante de la volonté et j'éprouvais du dégout pour la fascination que j'avais éprouvée.